LE must

Québec et Italie :
de la passion dans l’assiette

S’il y a bien une gastronomie qui nous vient à l’esprit lorsqu’il s’agit de rêver et de saliver, c’est la cuisine italienne. Elle est caractérisée par sa diversité régionale et par sa variété de produits. Certains iraient même jusqu’à dire que c’est la plus grande cuisine sur terre. Et elle a toutes les raisons de l’être. |Par Charline-Ève Pilon

Riches de leurs traditions, les Italiens semblent avoir hérité d’un don pour la boustifaille et personne n’arrive à y résister. Au Québec, nous avons été particulièrement séduits par leurs propositions culinaires.

La dolce vita au Québec

Ce lien singulier qui existe entre le Québec et le pays de Fellini s’est créé dès 1900 avec une première vague d’immigration qui s’est étendue jusqu’à la Première Guerre mondiale. Près de 30 000 Italiens sont alors entrés au pays. Puis, une seconde vague d’immigration a suivi, encore plus massive celle-là, qui s’est déroulée entre les années 1950 et 1970. Environ 126 000 Italiens provenant majoritairement du Sud du pays se sont alors exilés au Québec pour améliorer leur sort. Une grande majorité s’est établie dans la région de Montréal. En 2006, on dénombrait dans la métropole près de 300 000 personnes d’origine italienne, dont 71% étaient nées sur place.

Dès le milieu du siècle, les Italiens ont commencé à s’organiser en créant des quartiers ethniques. Ces «petites Italies», comme on les appelle, se sont formées à la manière d’entités distinctes sans jamais se transformer en ghettos coupés du reste du monde. Plusieurs quartiers portent encore les signes de leur passage, notamment à Montréal, tout près de la rue Saint-Laurent et entre la rue Bellechasse et Jean-Talon, ainsi que dans l’arrondissement de Saint-Léonard.

Une influence à l’italienne

Avec les années, différentes organisations ont commencé à assurer le rayonnement de la communauté. L’Institut culturel canadien de Montréal, entre autres, œuvre depuis 1962 à diffuser la langue et la culture italiennes au Québec. Il y a également la Casa Italia, qui demeure l’un des établissements sociaux les plus importants de la communauté italo-canadienne.

S’ajoutent à cela différentes initiatives culinaires issues de la diaspora italienne qui ont su apporter au fil du temps un peu de dolce vita à la province. On n’a qu’à penser à la Quincaillerie Dante, à l’épicerie Milano, en plus des émissions de cuisine avec des têtes d’affiche comme Stefano Faita, Josée di Stasio et Sabrina Tutino.

Spontanément et presque instinctivement, les Québécois ont adopté cette culture latine, ce design, cet art de vivre et surtout cette délicieuse cuisine. Un phénomène qui s’explique par les valeurs communes que partagent les deux peuples. «Les Italiens et les Québécois ont des intérêts semblables, à commencer par la bouffe et le vin, explique Josée Verrillo, directrice générale de la Semaine italienne et du Congrès national des Italo-Canadiens. On retrouve aussi beaucoup de similarités au niveau de la langue.»

Les immigrants arrivés au milieu du siècle se sont constitués de véritables coins de pays sur leur terre d’accueil. Les générations qui les ont suivis ont pour leur part davantage intégré la culture québécoise, mais tout en conservant des habitudes de leur pays d’origine. On dit même que les Italo-Canadiens seraient plus attachés à leurs traditions que les Italiens vivant en Italie.

La cuccina

La cuisine italienne est probablement l’une des plus appréciées ici. Elle a fini par s’immiscer tranquillement dans notre alimentation courante: pâtes, pizza, minestrone, osso buco, polenta… Les mets que l’on reproduit viennent principalement du Sud de l’Italie, signe de la provenance de la majorité des immigrants.

Et longtemps, l’offre italienne culinaire au Québec n’était qu’une pâle imitation de la véritable cuisine. «Les Italiens qui sont arrivés dans la province dans les années 60 n’étaient pas restaurateurs ni chefs cuisiniers. Mais rien ne les empêchait d’ouvrir un restaurant, raconte Pasquale Vari, chef à l’lnstitut de tourisme et d’hôtellerie du Québec et ambassadeur de l’Italie au Québec. Depuis les années 1990, le gouvernement italien a sonné l’alarme et s’est rendu compte qu’on mangeait mal à l’étranger. C’est alors qu’il a permis l’exportation de produits nobles et, peu à peu, la cuisine s’est améliorée.»

Puisque le retour des traditions et l’utilisation de produits frais ont la cote, la cuisine italienne n’aura jamais été aussi tendance. Encore faut-il qu’elle soit reproduite dans les règles de l’art. «Elle est difficilement imitable, note le chef. La mama ne triche jamais. C’est une cuisine qui prend son temps. Parfois, pour des raisons économiques, des restaurateurs vont être tentés de tourner les coins ronds. Le goût n’est jamais pareil dans ce cas-là et moi je le sais.»