LE must

En suivant les traces du loup: rencontre avec Alain Rochard

Restaurateur, vigneron, sommelier, agent promotionnel, président du Regroupement des agences spécialisées dans la promotion des importations privées des alcools et des vins, professeur… Alain Rochard a presque tout fait. L’ancien comptable de formation est devenu un passionné du vin et un incontournable du milieu vinicole québécois. | Par Patrick Lesort

Originaire de la région de la Loire en France, Alain Rochard effectue un voyage au Québec en 1988  avec son ami et futur partenaire d’affaires Laurent Farre. « Nous avons trippé ici pendant trois semaines. Le pays, l’ambiance, les gens, tout nous a plu.» De retour en France où la pression fiscale n’était pas faite pour retenir les gens, ils n’ont qu’une idée, repartir pour de bon à Montréal pour laquelle ils ont eu le coup de foudre. Ils font alors une demande d’immigration à l’ambassade du Canada. Alain Rochard arrive donc à Montréal et exerce de suite divers petits boulots : manœuvre, plongeur et enfin serveur au restaurant La Bohême où il rencontre les propriétaires du Continental, un restaurant situé rue Saint-Denis. En 1992, il en devient le maître d’hôtel.

Le restaurateur
« Le restaurant fonctionnait plus ou moins à l’époque ; la cuisine était une simple cuisine de bistro et la carte des vins n’existait pas. » En 1993, il prend des parts dans l’entreprise, car il connaît le potentiel de la place. Avec Laurent Farre, son partenaire d’affaires, il achète la totalité des parts en 1995. Les menus sont raffinés, la cave se remplit. En 1996, le Continental prend alors son envol et devient peu à peu le rendez-vous des artistes, comédiens et techniciens du cinéma qu’il est toujours. Incendié en 2007, le restaurant déménage un peu plus au sud rue Saint-Denis où il se trouve encore après bien des péripéties avec les assureurs. Désormais avec Sophie Juneau, jeune chef québécoise et associée et Ève Châteauvert, la sommelière des lieux, le Continental repart de plus belle et propose toujours des menus et des vins à la portée de tous. Si aujourd’hui le bistro Le Continental  a fermé ses portes, il n’a pas dit son dernier mot. En 2015, il a ouvert un nouvel établissement, dans le Plateau-Mont-Royal, Le Rouge Gorge, dont le nom s’inspire de la taverne parisienne où a été tourné le film Les enfants du paradis, de Marcel Carné.

Le sommelier-conseil
Pourtant originaire d’une région vinicole, c’est en restauration à Montréal qu’Alain Rochard découvre sa vraie passion au vin. «C’est ici, au Québec, que j’ai découvert la multitude de bons vins étrangers. J’ai lu, je me suis renseigné et j’ai fini par suivre des cours de sommellerie de base à L’ITHQ en 1998. » Il voyage afin de visiter les vignobles en France, en Espagne et en Italie. Il rencontre les vignerons et leur métier le captive. «J’étais plus intéressé à la fabrication même du vin et à la conduite de la vigne que de connaître par cœur toutes les appellations et leurs spécificités. Je passais donc une semaine chez l’un, une semaine chez l’autre, en découvrant chaque fois des gens passionnés par leur travail et amoureux de leur terroir. » En 2000, Alain Rochard passe alors un diplôme supérieur en sommellerie à l’Université du vin de Suze-la-Rousse en France réputée mondialement et située dans le magnifique château qui domine le village de la Drôme.

 Le vigneron
L’idée germe peu à peu et, Alain envisage d’acheter un vignoble. D’abord attiré par le Portugal, il commence ses recherches dans le Languedoc autour du village de Saint-Chinian où il a des amis vignerons. « J’ai cherché pendant deux ans dans la région pour trouver le terrain idéal. À force les gens connaissaient mon histoire, ils savaient qu’un « Canadien » voulait acheter un vignoble. Une bonne douzaine de fois on m’a dit : Ah, vous voilà le Canadien, vous êtes connu comme le loup blanc! L’air de dire que tout le monde me connaissait sans m’avoir jamais vu… »

En 2001, il finit par trouver un terrain dans le Minervois à proximité de Saint-Chinian avec de la vieille vigne et des cépages typiques à la région : carignan, grenache, cinsault et même de l’alicante et du tempranillo, cépages d’origine espagnole. En 2002, la vente était conclue, le loup avait trouvé sa tanière. « Le notaire qui rédigeait le contrat de vente m’a demandé alors le nom du vignoble et, naturellement, j’ai répondu : le vignoble du Loup Blanc ! » Un nom qui sera à l’origine de ceux bien originaux des cuvées à venir : Le Régal du Loup, Le Petit chaperon rose, La Soif du Loup, La Mère Grand et Les Trois p’tits C !

Sur place, Carine Farre, la sœur de son associé, et son compagnon Nicolas Gaignon, un expert  en vinification, s’occupent du domaine et des vignes. Quant à Alain, il y passe entre trois et cinq mois de l’année en particulier au moment des vendanges et des assemblages dont il est responsable.

 « Nous sommes maintenant en biodynamie : aucun pesticide, aucun engrais chimique, des levures indigènes, bref, nos vins sont une empreinte de notre terroir en bouteille! » Les vins sont typiques, avec une personnalité en rapport avec celle du vigneron : vrais, directs, sans fioritures mais aussi attachants. Le design des étiquettes ne fait que souligner la démarche de simplicité, de recherche de convivialité à travers le vin auxquelles Alain Rochard tient beaucoup.

De la vigne à la cuisine, Alain Rochard est impliqué dans chaque étape du monde vinicole. S’il en avait le temps, il aimerait aussi s’investir dans d’autres productions agroalimentaires comme le fromage et la bière. « Mon rêve ? Ça serait que les pouvoirs publics comprennent enfin l’importance des petits producteurs et qu’ils leur fournissent les aides nécessaires aux jeunes qui se lancent. Promouvoir et aider la production locale, ça serait redonner une âme à nos campagnes et à la Province. »

 

France, Minervois
Vignoble du Loup Blanc
Le Régal du Loup 2015
Code SAQ : 10405010 – 21,10 $

Vin de plaisir, vin de soif, c’est le régal du loup, mais aussi le mien ! Assemblage de grenache, de syrah et en majorité de carignan lui donnant ainsi sa personnalité et sa matière. Vin jeune au nez aromatique de cerise noire, de pivoine et de poivre, il est bien équilibré, avec des tanins souples, et une persistance complexe sur la mûre et les épices. Idéal sur un magret de canard ou des brochettes d’agneau !

 

France, Minervois
Vignoble du Loup Blanc
La Mère Grand 2013
Code SAQ : 10528221 – 27,30 $

Ne vous fiez pas au nom, c’est un vin plein de jeunesse ! Vin de soleil à dominante de grenache et de syrah, il a un nez complexe de framboises cuites et de cassis avec des notes subtiles de réglisse, de poivre et de bois. En bouche, les tanins sont soyeux avec une persistance sur les fruits rouges épicés, le tout soutenu par une belle minéralité. Succulent avec une pintade au champagne, il le sera aussi avec une viande marinée.