LE must

La « religion » alimentaire de Laure Waridel

Photo: Carl Lessard

LE must a posé quelques questions à l’écosociologue, auteure et co-fondatrice d’Équiterre Laure Waridel, question d’en savoir un peu plus sur ses convictions et préoccupations alimentaires.

Décrivez-nous votre « religion » alimentaire? Je suis le régime: « Changer le monde, une bouchée à la fois! »

Qu’est-ce que vous prônez au niveau alimentaire ?
Des choix écoresponsables et délicieux! Nos habitudes alimentaires ont une grande influence sur notre santé, celle de la planète et des populations qui l’habitent. Chaque repas nous lie à la Terre et des millions de personnes qui cultivent, récoltent, transforment emballent et vendent notre nourriture. Grâce à eux, trois fois par jour, nous faisons le plein d’énergie, dont nous avons besoin pour vivre.

Quand je fais l’épicerie ou que je vais au restaurant, je garde les 3N-J en tête, un concept développé dans mon livre « L’envers de l’assiette et quelques idées pour la remettre à l’endroit » (Écosociété 2011).

Un premier N pour Nu. J’évite la sur-consommation et le gaspillage. Je choisis les aliments les moins emballés possible, question de mettre nos sites d’enfouissement au régime et d’économiser les ressources.

Un deuxième N pour Non-loin. Je privilégie les aliments locaux pour soutenir le plus directement possible les paysans et les artisans d’ici. Je réduis ainsi le bilan de mes émissions de gaz à effet de serre.

L’ultime N est celui du Naturel. Je choisis les aliments les plus biologiques possible ce qui me permet d’éviter la propagation d’OGM, de pesticides et d’engrais chimiques dans l’environnement et leurs effets sur la santé et la biodiversité. J’évite aussi les additifs alimentaires.

Le J est pour juste, parce que nos choix alimentaires peuvent contribuer à bâtir un système dans lequel chacun pourra manger à sa faim. Café, thé, sucre, bananes, épices, riz, chocolat, quinoa, vin et de plus en plus d’autres produits sont disponibles par la filière équitable. C’est aussi par souci d’un meilleur partage des richesses que je privilégie les petites entreprises et évite les compagnies multinationales. Sachant qu’il faut en moyenne 6 kilos de protéines végétales pour produire un kilo de protéines animales, je réduis ma consommation de viande à une ou deux fois par semaine et elle est impérativement biologique. Quand il s’agit de poissons et de fruits de mer je me fie au seachoices guide: www.seachoice.org/wp-content/uploads/2011/09/SC_alertcard_2016_5panel_web.pdf

 Quelle est votre bible en alimentation? Étant allergique aux doctrines, je n’ai pas de bible. J’aime rester informée. Pour cette raison, je fréquente des sites comme celui d’Équiterre, de la Fondation David Suzuki et du Réseau pour une alimentation durable (foodsecurecanada.org/fr ). Je  aussi marraine de l’Institut Jean Garon.

Quel(s) aliment(s) considérez-vous comme béni(s) des Dieux? Il y en a plein et ils varient selon la saison. Au printemps, j’adore les asperges et les premières laitues! L’été, je raffole des tomates, des herbes fraiches, des aubergines, des zucchinis et de tous les merveilleux petits fruits que nous produisons ici. L’automne et l’hiver, je me régale de maïs, de courges, de poireaux, de carottes, de panais, de pommes de terre, de pommes, de poires et de prunes d’ici.  En tout temps, j’ai de l’huile d’olive (idéalement équitable de la Palestine), de l’ail et des oignons bio du Québec, du gingembre et du sirop d’érable.

Si vous aviez une confession (alimentaire) à faire, quelle serait-elle? J’aimerais pouvoir être complètement végétarienne, comme je l’ai été plusieurs années avant d’avoir des enfants. À cinq dans la maison, dont trois êtres adorables qui aiment la viande et un chasseur, nous y allons pour la diversité. On s’en tient à un ou deux repas contenant de la viande par semaine et un repas de poissons ou de fruits de mer.

Si vous aviez un souhait ou un conseil à faire à quelqu’un qui cherche à trouver (ou retrouver) la santé par l’alimentation, quel serait-il? Pour sa santé personnelle et celle de la planète? Privilégier les aliments les moins transformés possible (de préférence bio et locaux, incluant beaucoup de légumes et de fruits), réduire sa consommation de viande et boire… de l’eau! Tout cela en célébrant la diversité de nos champs à nos assiettes.

 Quels sont vos projets du moment? Contribuer à la transition du Québec vers une économie verte, c’est-à-dire une économie qui soit au service des gens dans le respect de l’environnement. Je termine mon mandat de directrice exécutive au CIRODD (Centre interdisciplinaire de recherche en opérationnalisation du développement durable) à l’école Polytechnique pour me consacrer à la rédaction de mon prochain livre. J’utiliserai les résultats de ma recherche doctorale pour mettre en lumière un foisonnement d’initiatives écologiques et sociales qui construisent le Québec que l’on se souhaite, celui que l’on veut pour nos enfants. Ma thèse m’a permis de conclure qu’une transition vers une économie écologique et sociale n’est pas seulement souhaitée au Québec ; elle est possible et, surtout, elle est en cours. Il n’en tient qu’à nous de lui donner un élan. Il y a beaucoup de choses à faire dans le secteur agroalimentaire : du champ à l’assiette. Nous avons tous beaucoup plus de pouvoir que l’on serait porté à le croire, et ce, jusqu’au bout de notre fourchette.