Il a beau avoir une tête de « bon docteur », le docteur, à la maison, c’est elle! Avec son site scientifique, Extenso, elle déboulonne les mythes alimentaires les plus solides! Entrevue pour savoir s’il est vraiment possible de manger sainement… malgré deux carrières et trois enfants! | Par Josée Larivée (V6N4)
« Aïe! Ça doit être plate, avoir une mère nutritionniste; tu peux jamais manger de dessert! » Nathalie Jobin se souvient du commentaire sorti tout droit de la bouche de la petite amie d’une de ses filles, en visite à la maison.
Il faut connaître la directrice scientifique d’Extenso, une référence en matière d’alimentation, pour savoir qu’elle a la dent passablement sucrée, qu’elle cuisine régulièrement tartes et gâteaux maison et que personne, chez elle, n’est jamais privé de dessert! « En plus, précise son conjoint, le comédien Patrice Godin, Nathalie n’est vraiment pas une Ayatollah de la saine alimentation. C’est plutôt quelqu’un qui prône un enseignement équilibré.»
C’est d’abord afin d’informer les gens qu’il y a 15 ans, elle a mis sur pied, avec Dominique Garrel, le site Extenso.org, à l’Université de Montréal. Le portail Web, fort convivial, est vite devenu un centre de référence en nutrition. «Notre but est de permettre au public de distinguer le vrai du faux, en donnant accès à un maximum d’informations», explique la spécialiste de l’unité NUTRIUM. « Nous sommes un peuple et une génération très informés, mais pourtant, on n’a pas vraiment amélioré notre manière de manger, ni raffiné notre sens du goûter.»
À table tout le monde!
Avec les horaires de chacun, dans les familles, on n’a plus le temps nécessaire pour être ensemble et ça, c’est aussi terrible que n’importe quel gras trans! Au nom de tout ce qui s’insert à l’agenda de chacun – le travail, les cours, la télé, l’ordi, le téléphone, Facebook et compagnie, on sacrifie le temps de qualité qu’on passait jadis ensemble. Et, traditionnellement, on le passait autour d’une table et l’acte de manger était associé à socialiser. Nathalie Jobin en est persuadée : il faut revenir à ce genre de valeur.
Dans son discours, pourtant, pas une trace de remontrances moralisatrices. Assise dans sa cuisine, Nathalie Jobin discute plutôt de planification et d’habitudes alimentaires avec l’aplomb et le réalisme des femmes modernes, aux prises avec une vie qui va souvent trop vite. Des horaires serrés et de lourdes responsabilités, elle connaît ça! « Rien ne sera parfait, mais ce que j’observe, c’est l’abandon d’une valeur qui nous a toujours définis. Comment demeurer un peuple de bons vivants si on mange en 5 minutes, du micro-ondes au four, des trucs qui abîment notre santé et qui nous font mourir prématurément? » La question est lancée.
Ambiance, svp!
Pour Nathalie Jobin, il est clair que l’ambiance que l’on crée autour de la table, à la maison, a un lien direct avec la qualité de l’alimentation. « Favoriser la discussion et le plaisir de l’échange me semble plus important, au départ, que ce que l’on met dans l’assiette. »
Le commentaire, de la bouche d’une nutritionniste, surprend. « On peut bien servir une lasagne prêt-à-cuire, on va éventuellement avoir envie de l’accompagner d’une petite salade, d’une soupe, avant, ou d’un dessert, ensuite, et si on est bien, ensemble, à table, on va finir par élaborer le repas. C’est déjà un grand pas vers la notion de « manger mieux ». Le commentaire fait sourire Patrice. « Je suis tout à fait d’accord avec la lasagne toute prête, sauf que la dernière fois qu’on en a servi une aux enfants, ils ont dit « Ouache! ».
Guide de survie à l’intention des parents
« Ouach! J’aime pas ça! » Votre enfant fait la fine gueule, refuse de goûter et semble dégoûté au moindre soupçon d’un aliment nouveau dans son assiette? « Insistez sans en avoir l’air, conseille Nathalie Jobin, et surtout, soyez patient. » Voici quelques règles d’or à observer…
Responsabilités partagées
«Les parents sont responsables de la variété et de la qualité. Les enfants, quant à eux, devraient être maîtres de la quantité. On met de bonnes choses dans leur assiette, et on met un peu de tout. Mais on ne force rien, à la porte d’entrée. Tout au plus, on encourage gentiment à goûter.
Patience et longueur de temps
« Vous encouragez votre enfant à goûter et c’est toujours une fin de non-recevoir? Persistez! Votre petite progéniture mettra peut-être un mois avant d’en glisser un morceau dans sa bouche. Un mois, ce n’est pas si pire, quand on pense qu’un petit a toute la vie devant lui! »
Les goûts sont dans la nature
« Acceptez que, peut-être, votre enfant n’aimera jamais un certain aliment. En attendant, servez-le-lui quand même. Les goûts, ça se développe! »
Repas commun
Même si votre enfant refuse complètement de manger, ne concoctez qu’un seul repas pour la famille. Si l’assiette que vous lui proposez contient une certaine variété, il se trouvera bien un ou deux aliments qu’il acceptera de manger. Il ne se laissera pas mourir de faim. »