Tout baigne dans l’huile pour Chantal Van Winden. Surtout parce que l’huile en question est pressée à partir des grains de la caméline qu’elle fait soigneusement pousser dans les champs de la ferme familiale Oliméga à St-Édouard. La plante oléagineuse cultivée par l’homme depuis des millénaires a fait prendre un tournant à la vie de l’ex-physiothérapeute qui vend aujourd’hui par-delà nos frontières ce qu’elle qualifie « d’huile d’olive du Québec ». Par Pascale Lévesque
Le véritable succès d’agriculture locale d’Olimega permet même de renchérir sur l’affirmation de la présidente et directrice générale. « On exporte tant dans les autres provinces canadiennes qu’aux États-Unis via Amazon Choice, au Japon, en Allemagne et en France. Mais au Québec, on est déjà dans 800 points de vente, souligne fièrement Chantal Van Winden. Plusieurs restaurants de renom utilisent la caméline et récemment toutes les cuisines de la chaîne La Cage ont remplacé l’huile d’olive avec nos produits pour la préparation des aliments. »
Le chemin pour atteindre ce succès a été consciencieusement façonné. Il commence en Europe. Chantal Van Winden, dernière d’une fratrie de douze enfants, a grandi avec des parents agriculteurs. Elle a pris un détour vers la physiothérapie, qu’elle a pratiquée vingt-trois ans, mais en fondant une famille avec Raymond Durivage, un autre enfant de la terre, elle n’a jamais vraiment quitté le champ.
« J’ai marié un agriculteur de cinquième génération, un gars assez innovant dans son domaine, qui cherche toujours de nouvelles manières de cultiver, raconte Chantal. Sur la ferme EDPA, où il est actionnaire, on cultivait le blé, le maïs et le soja. Notre quête d’agriculture régénératrice, où la biodiversité des plantes et leur alternance en culture aident au maintien des qualités du sol et sa régénération, nous a mené vers la caméline. »
Bonne pour la santé, celle du sol et des humains
Après avoir assisté à la conférence d’un chercheur allemand sur les plantes intercalaires, qui aident à la santé des sols, leur agronome les met sur la piste de cette fantastique plante nordique. Originaire d’Europe du Nord, elle est bien adaptée à notre climat et notre terroir.
« Elle nous a d’abord intéressés pour ses propriétés à favoriser la biodiversité dans nos cultures, notamment pour nourrir le sol, explique Mme Van Winden. Puis ce sont ses qualités nutritives qui nous ont interpellés, surtout sa haute teneur en oméga-3. On a travaillé sept ans pour développer sa culture et trouver les variétés les mieux adaptées au goût des consommateurs. »
Comme la caméline, la famille de Chantal Van Winden a aussi traversé l’Atlantique pour bien s’enraciner chez nous. « Mes parents Ciska et Arie sont nés en Hollande, raconte-t-elle. Ils ont tout perdu durant la Seconde Guerre mondiale et sont venus ici avec une seule valise dans l’espoir de retrouver une terre. Les Canadiens avaient la cote, ce sont eux qui ont libéré la Hollande, c’était naturel que ma famille aspire à s’installer ici. »
Van Winden, c’est aussi la même famille derrière les verdures Attitude. Ses fondateurs Pierre et John Van Winden ont établi leur entreprise ici dès leur arrivée en 1952 et sont les oncles de Chantal. « Mes oncles et mes parents étaient fiers de leurs choix de venir ici, insiste-t-elle. Ils ont été des pionniers dans l’agriculture maraîchère à Sherrington où ils se sont établis. Ils sont allés chercher les terres noires dont personne ne voulait. C’est que les Hollandais sont habitués à travailler avec des pelles rondes et des terres humides. Leur expérience de la vieille Europe leur a permis de développer ce type particulier de sol. Les affaires ont vraiment bien prospéré. »
La famille demeure l’ADN de l’entreprise. D’ailleurs, les sept actionnaires d’Olimega sont issus de la même famille. « On implique aussi nos enfants qui sont intéressés, dit Chantal. Émilie notre plus vieille, qui est aussi enseignante, s’occupe par exemple des réseaux sociaux et tandis que Alice va traduire nos communications. »
Une plante de plus en plus prisée
Le défi de produire une plante méconnue et encore marginale était bien tangible. Cependant, le marché de la caméline est en plein essor sur la planète selon le dernier compte rendu de l’industrie fait par Report Insights, un cabinet de recherche spécialisé sur les marchés mondiaux de l’agroalimentaire.
La caméline et l’huile qu’on en tire est prisée pour ses qualités nutritives. En plus de sa grande teneur en oméga-3, on aime sa richesse en acide alpha linolénique qui aurait un effet comparable à celui de l’huile d’olive et de colza sur la réduction du taux de cholestérol. On vante aussi ses qualités de cuisson en vertu de son point de fumée élevé à 450 degrés Fahrenheit.
« Nos terres ne suffisent pas à combler la demande qui est en augmentation de 90 % par rapport à l’an dernier, soulève la présidente directrice générale d’Oliméga. Heureusement qu’au fil du temps, pour assurer la production, on a travaillé avec des cultivateurs d’ailleurs au Québec, notamment au Témiscamingue, Lac-St-Jean et Centre-du-Québec pour augmenter le volume, mais surtout minimiser les impacts de la météo. On ne peut pas se permettre de perdre le fruit de nos efforts parce qu’on est en rupture de stock. »
La production étant assurée, le souhait prioritaire de Chantal Van Winden est de mieux faire connaître sa précieuse huile, ainsi que ses grains, de caméline auprès du grand public. « Quand un influenceur vante une recette locale sur ses réseaux sociaux et qu’elle contient de l’huile d’olive, je me dis qu’il y a encore du travail à faire, plaide-t-elle. Mais avec les nouveautés sur lesquelles on planche, comme des collations à base de protéines végétales, notre caméline fera bientôt partie des automatismes de tous les gourmands québécois, » conclue celle qui, au nom de son entreprise a reçu les grands honneurs lors des dernières Journées DUX Mieux Manger Mieux Vivre.
Source L’actualité ALIMENTAIRE