Diverses études démontrent que la retenue et l’obsession constantes sur les calories sont vouées à l’échec. Ignorer ou se refuser du plaisir ne peut pas mener à de saines habitudes de vie. Le cerveau humain a évolué de façon à associer le plaisir à l’alimentation, donc l’ignorer ne fait que court-circuiter nos dispositions naturelles et innées. Les plaisirs, raisonnés, bien appliqués, et sans snobisme, voilà l’exercice auquel je vous convie. Et pas de meilleur sujet que l’aliment plaisir par excellence à quelques jours de Pâques : le chocolat. | Par Jordan LeBel, Ph.D.
Et puis il y a ce qu’on appelle « l’erreur de prédiction » : lorsque nous nous attendons à recevoir du plaisir et n’en n’avons pas, la déception est amplifiée et génère frustrations et comportements malsains. Mais encore faut-il bien comprendre les plaisirs liés à l’alimentation, au-delà des slogans faciles qui jouent trop bêtement sur l’opposition santé-plaisir. Et ce, non pas dans un exercice purement conceptuel mais dans le but de mieux les apprécier au quotidien et de les réconcilier avec des saines habitudes.
Notre histoire d’amour avec le chocolat
Comment expliquer notre fascination pour le chocolat ? Plusieurs facteurs peuvent faire la lumière sur sa popularité sans qu’aucun ne puisse complètement l’expliquer. Bien sûr, le goût y fait pour beaucoup. Au-delà de notre préférence innée pour le sucre, les femmes préfèrent le chocolat au lait et les hommes ont la dent moins sucrée.
En vieillissant, les deux sexes favorisent le chocolat noir, souvent par souci de santé, mais aussi par question de goût vu l’évolution naturelle de nos papilles qui deviennent plus sensibles au sucre, au sel et autres ingrédients. Certains travaux révèlent aussi qu’à l’approche du cycle menstruel, plusieurs femmes compensent la baisse naturelle de sérotonine par la consommation de chocolat. Certains affirment qu’il crée une dépendance. Il est vrai que le chocolat contient des centaines de substances actives comme la théobromine, la phenylethylamine et la tryptophane. Mais pour qu’il crée une dépendance au sens pharmacologique du terme, il vous faudrait en consommer plus de 100 kg par jour!
Si dépendance il y a, il faut plutôt examiner les associations et images mentales liées au chocolat. Celles-ci, puissant moteur de nos comportements de consommation, renvoient souvent à une période marquante, comme l’enfance. Dans mon cas, ce sont les fréquentes marches avec mon grand-père maternel qui se terminaient invariablement au dépanneur Chez Jean-Louis, à Beloeil, où j’avais le droit à une sucrerie. Devinez laquelle ! Et vous, quel est votre souvenir marquant ?
Qu’on le mange seul en cachette ou en pyjama en famille, nos rituels personnels cachent souvent la recherche d’un réconfort motivée tantôt par la fatigue, le stress ou le simple désir de se gâter. Il ne faut pas non plus oublier l’importance du chocolat-cadeau. En effet, le succès de Godiva, par exemple, tient pour beaucoup à l’élégance de son emballage, car on offre surtout ce genre de produit. Il n’y a pas si longtemps, tout jeune homme bien élevé se devait d’apporter un Pot of Gold lorsqu’il venait chercher une jeune fille pour un rendez-vous galant… pas tellement pour la jeune fille comme pour sa mère !
Chocolat comme aliment santé?
Dès 1100 av J.-C., les Olmèques appréciaient déjà les bénéfices du chocolat qu’ils consommaient liquide. Lorsque le chocolat parvient en Europe, via l’Espagne où Hernan Cortès l’avait ramené du Nouveau Monde, on lui ajoute du sucre et on le sert chaud (ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle qu’on le croquera sous forme de tablette). Dès lors, on lui prête des centaines de vertus thérapeutiques et aphrodisiaques. En 1765, un certain docteur Baker commercialise une pâte de cacao et en vante les bienfaits homéopathiques (la marque existe toujours).
Maintenant, pas une semaine ne s’écoule sans que ne soit publiée une étude scientifique sur les bénéfices liés à la consommation de chocolat, surtout le chocolat à haute teneur en cacao (i.e. 60 % et plus). Riche en magnésium et en fer, le chocolat est aussi riche en flavonoïdes, comme la catéchine, aux propriétés antioxydantes, pouvant prévenir les maladies cardiovasculaires. Mais n’est-ce pas ici qu’une façon de se déculpabiliser ? En Belgique, j’ai goûté à un chocolat à 63 % en cacao additionné de fibres et d’antioxydants de carottes… pas certain que j’en rachèterais.
Les 5 règles pour acheter un bon chocolat
- Cessez d’acheter selon le pays d’origine. Ce n’est pas parce qu’il est belge que votre chocolat sera meilleur. On fait de très bons — et de très mauvais ! — chocolats dans plusieurs pays. Certains producteurs affichent l’origine de leurs fèves (ex. : Madagascar, Brésil, etc.) mais informent mal le consommateur sur les différents profils aromatiques. Si vous optez pour ces chocolats, assurez-vous de prendre le temps de bien les déguster et d’éduquer vos papilles sur les différentes caractéristiques de ces terroirs.
- N’achetez pas seulement sur la base du pourcentage de cacao : plus élevé ne veut pas dire meilleur. Le pourcentage doit être établi pour valoriser le type de fève et créer une expérience sensorielle. Ne vous limitez donc pas à du 70 % et sachez explorer.
- En général, le prix est garant d’une certaine qualité, mais on retrouve aujourd’hui d’excellents produits dans toutes les fourchettes de prix, de l’épicerie fine à la grande surface en passant par la pharmacie. Jetez-y un coup d’œil !
- À l’ombre des multinationales qui s’accaparent la plus grosse part du marché, les chocolatiers locaux font un boulot exceptionnel. Et les chocophiles québécois ont de quoi se réjouir, car nous avons plusieurs entreprises locales, grandes et petites, qui offrent de super produits. Prenez le temps de visiter votre chocolatier local, posez-lui vos questions et sachez l’encourager.
- La marque d’un bon chocolatier sera son habileté à bien travailler la matière première et à livrer un produit avec constance. Pour ma part, je regarde toujours la finesse des enrobages et caissons et aussi la justesse des mariages de saveurs. Une ganache parfumée au basilic, par exemple, ne devrait pas goûter l’alcool ni posséder un goût qui écrase la personnalité du chocolat.
Un bon chocolat invite à prendre son temps
Quel est le meilleur chocolat du monde ? C’est celui qui est dans votre bouche, pour peu que vous preniez le temps de bien le savourer. Si je me refuse toujours à répondre plus directement à cette question, c’est qu’on peut engouffrer un merveilleux chocolat sans en jouir le moins du monde tout comme on peut trouver un instant de bonheur et une satisfaction sensorielle dans un chocolat acheté en grande surface. Prenez donc le temps de bien déguster votre chocolat.
Vins et chocolats
Qui dit qu’un bon chocolat ne se partage pas ? Conviez vos amis à un « vins et chocolats » et amusez-vous à explorer différents mariages de saveurs.
Pour orchestrer la mise en scène, rien de plus simple :
- Procurez-vous différents chocolats (différentes marques, pourcentages, etc.);
- Déballez-les et assurez-vous que vous seul connaissez leur identité;
- Servez quelques fruits séchés (abricots, cerises, fraises ou canneberges) et quelques noix de bonne qualité;
- Servez un ou deux alcools et laissez vos convives élaborer leurs propres mariages.
Porto et chocolats offrent une valeur sûre, mais pour explorer davantage, essayez le Mavrodaphne (13,95 $, 750 ml), un Sherry comme le Solera Cream Alvear-Montilla Moriles (17,30 $, 500 ml), même diverses bières locales comme la bière noire à l’avoine de McAuslan ou la Route des épices de la micro-brasserie Dieu du ciel. Une grande partie du plaisir viendra du fait que chacun aura des jumelages préférés et perceptions différentes.
Sur ce, bon plaisir chocolaté !