Malgré la crise qui affecte l’industrie des médias imprimés, bizarrement la popularité des circulaires de distributeurs du secteur alimentaire ne cesse d’augmenter. Selon certaines estimations, les ménages canadiens reçoivent presque 10 milliards de circulaires, par année. C’est du papier, beaucoup de papier. De façon générale, les circulaires servent bien sûr à nous vendre toutes sortes d’articles, mais elles contiennent principalement des produits alimentaires. Et nous les lisons, constamment. La numérisation des médias est un phénomène réel, mais il semble que la loyauté des consommateurs envers les multiples dépliants promotionnels que l’on reçoit chaque semaine est inébranlable. | Par Sylvain Charlebois, Doyen de la Faculté en Management, Professeur en Distribution et Politiques Agroalimentaires
À une époque où les solutions durables sont en vogue, il est tout de même paradoxal de voir autant de papier livré porte-à-porte. Cette pratique continue, elle continue puisqu’elle fonctionne. Les gens lisent encore leurs circulaires de façon assidue. D’ailleurs, selon une récente étude de l’Université Dalhousie, plus de la moitié des Canadiens consultent leurs circulaires chaque semaine. Le plus grand nombre de lecteurs réguliers se retrouvent dans les provinces de l’Ontario (68 %), puis du Québec (61 %). L’ensemble des circulaires hebdomadaires envoyées aux foyers sont déjà numérisées, mais le papier demeure roi et son effet est sans conteste. Certains vont même jusqu’à visiter le magasin avec leur circulaire en main.
Les consommateurs réagissent à l’information contenue dans les circulaires. Selon une étude de la firme Brandspark, il existe une très forte corrélation entre les produits alimentaires en promotion annoncés en circulaire et les ventes durant la semaine qui suit l’envoi. Cette pratique dure depuis des années, mais les temps changent. Compte tenu des budgets promotionnels qui diminuent, d’ici cinq ans, les consommateurs seront invités à utiliser davantage des applications interactives sur leur téléphone intelligent. Elles existent déjà, mais l’utilisation de ces applications demeure marginale.
Les ménages canadiens reçoivent presque 10 milliards de circulaires, par année. C’est du papier, beaucoup de papier. De façon générale, les circulaires servent bien sûr à nous vendre toutes sortes d’articles, mais elles contiennent principalement des produits alimentaires. Même si nous continuerons à les recevoir, l’approche promotionnelle des grands distributeurs alimentaires est sur le point de vivre une transformation majeure.
En principe, la numérisation des circulaires permet une meilleure compréhension de la demande qui souvent peut jouer de vilains tours aux détaillants alimentaires. Climat, personnes en transit, déménagements, calendrier difficile à planifier, et encore. Par exemple, Pâques au mois de mars n’est pas du tout la même chose qu’une fête pascale à la fin avril. Tout dépend de la température, bien sûr, les consommateurs choisiront des produits différents. Les circulaires numériques offriront aux détaillants un échantillonnage aussi puissant qu’intéressant afin d’anticiper les tendances influencées par des facteurs hors de contrôle. L’intuition stratégique et les devinettes primitives seront bientôt reléguées au deuxième rang.
La façon de communiquer avec la clientèle sera différente. Les campagnes par courriels continueront d’attirer les baby-boomers et les membres de la génération X. Mais la génération Y qui préfère la messagerie texto sera vraisemblablement la cible de nouvelles campagnes durant les prochaines années. Et s’il y a une génération qui a de l’aversion pour les circulaires hebdomadaires, c’est bien la génération Y. Celle-ci souhaite le sur-mesure tout en épargnant.
La repopulation des centres urbains crée aussi du souci aux détaillants qui veulent rejoindre une nouvelle clientèle. Vancouver, Montréal, Toronto, Halifax, Calgary, partout, les citadins vivent dans des appartements, sans avoir une boîte à lettres accessible. Plusieurs jeunes propriétaires ou locataires se retrouvent dans des tours de copropriété où la distribution de circulaires est carrément interdite.
Malgré tout, énormément de consommateurs continueront à recevoir des circulaires, ne vous détrompez pas. Par contre, la distribution de celles-ci sera plus stratégique, et surtout, beaucoup plus ciblée. La version papier deviendra un complément aux campagnes numériques des différents détaillants. La promotion par circulaire sera plus intelligente et moins arbitraire.
Espérons-le. Peut-être qu’un jour, nous cesserons de retrouver des circulaires partout sur le bord des routes, trottoirs, parcs, arrière-cours, un peu partout quoi. Quelle pollution inutile !