Jusqu’à dernièrement, la moindre exposition aux arachides par des personnes allergiques provoquait une réaction anaphylactique grave. Mais les choses pourraient changer grâce à des techniques révolutionnaires de désensibilisation. | Par Sophie Péloquin, MMSc.
L’allergie aux arachides est la troisième allergie en importance au pays, et la première chez les enfants. Et jusqu’à tout récemment, la solution pour une personne allergique se limitait à s’assurer de garder avec soi une injection d’épinéphrine (EpiPen) en cas de réaction grave. Mais depuis quelques années, de nouvelles pistes de recherche donnent espoir. C’est le cas de la désensibilisation, un traitement aussi étonnant que prometteur.
Qu’est ce que la désensibilisation ?
Le traitement par désensibilisation (ou induction de tolérance) consiste à administrer quotidiennement des doses croissantes de l’aliment allergène. Ce traitement exige une démarche longue et rigoureuse et un suivi régulier. La désensibilisation aux œufs et au lait est chose fréquente, par contre dans le cas de l’arachide, seulement quelques études ont jusqu’ici été effectuées.
L’an dernier, une équipe de chercheurs de la Cambridge Addenbrooke’s Hospital en Angleterre, publiaient les résultats d’une étude pilote sur quatre jeunes allergiques aux arachides. Ces jeunes recevaient quotidiennement des doses de farine d’arachides, débutant par d’infimes doses jusqu’à une dose pouvant atteindre 800 mg par jour. Au début de l’étude, les enfants ne pouvaient consommer plus d’un quart d’une arachide sans réagir. Après 6 semaines de traitement, il leur était possible de consommer 10 arachides sans problème.
Cette étude suggère que le corps parvient à développer une tolérance à l’allergène. L’effet est perçu au niveau d’un marqueur immunitaire appelé Immunoglobuline E (IgE). Les IgE sont normalement très élevées chez un patient allergique. La désensibilisation permettrait d’abaisser les taux au niveau normal des personnes non allergiques. Néanmoins, ce qui inquiète les chercheurs, c’est que la tolérance induite pourrait s’atténuer lorsque le traitement est discontinué.
À la recherche d’un effet permanent
L’équipe du Dr William Burks de l’Université médicale de Duke, aux États-Unis, étudie l’impact d’un protocole de désensibilisation plus long sur la tolérance. Après une désensibilisation d’une période de 6 à 10 mois, les enfants pouvaient consommer une bonne quinzaine d’arachides sans problème. À ce moment, ils débutaient une phase de maintien où ils consommaient de plus petites quantités d’arachides au quotidien, pour une période pouvant aller jusqu’à deux ans. Après cette période, le traitement était suspendu afin de voir si la tolérance allait être maintenue. Jusqu’à présent, les enfants à ce stade ont gardé des taux d’IgE très bas jusqu’à un an post-traitement sans qu’ils n’aient à consommer des doses quotidiennes d’arachides.
Ces résultats sont très encourageants, toutefois, ils ont été obtenus sur de petits nombres de personnes. D’ailleurs, les auteurs de ces études sont unanimes : il est trop tôt pour affirmer que la désensibilisation est un traitement absolu des allergies aux arachides. Tenter d’induire une tolérance dans un contexte qui n’est pas hautement contrôlé dans le cadre d’un protocole de désensibilisation pourrait être très risqué (en d’autres mots, n’essayez pas cela à la maison !). De plus, la désensibilisation ne fonctionne pas pour tous. Certaines personnes très allergiques ne parviennent pas à tolérer le traitement.
Finalement, il faut savoir que l’offre pour la désensibilisation par voie orale pour les allergies alimentaires est encore très limitée de par le monde et qu’à ce jour, au Québec, aucun hôpital ne propose ce traitement. Les personnes allergiques devront donc patienter encore un peu avant de tartiner leurs rôties avec du beurre d’arachides !
D’autres voies d’avenir
Il n’y a pas que la désensibilisation; plusieurs autres traitements sont à l’étude. Mentionnons, entre autres, un vaccin qui permettrait de supporter des faibles quantités d’allergènes, qui demeure pour l’instant au stade de la recherche sur le modèle animal. Un mélange breveté d’herbes chinoises (Food Allergy Herbal Formula 2) a aussi été étudié pour ses effets sur la prévention des allergies et en est actuellement au stade des premières études cliniques sur l’homme.
Côté prévention, de plus en plus d’études démontrent aussi les effets positifs des probiotiques. La consommation de probiotiques, dès la grossesse, pourrait prévenir l’apparition d’allergies chez l’enfant. Un apport en probiotiques pendant l’enfance pourrait aussi contribuer à renforcer la flore intestinale et réduire le risque de développer des allergies. Par contre, les études ayant démontré des résultats intéressants portaient plus souvent sur d’autres formes d’atopie, comme l’eczéma, que sur les allergies alimentaires. Quoi qu’il en soit, il est désormais permis d’espérer que d’ici une génération, les allergies aux noix pourraient être traitées.
Commencer par le commencement
Malgré ces traitements prometteurs, la principale considération d’un parent d’enfant allergique devrait être la prévention des réactions graves. Une étude effectuée au Québec par des chercheurs de l’Université McGill sur des enfants d’âge scolaire dévoilait que la moitié des enfants allergiques qui avaient une prescription pour de l’EpiPen n’avaient pas accès à leur médicament à l’école. La Dre Anne Clark, co-auteure de l’étude, dénote l’importance de s’assurer que les éducateurs en milieu de garde ou en milieu scolaire sont informés de l’allergie de l’enfant et savent comment intervenir.
Des solutions pour mieux gérer les allergies
Au Québec, l’Association québécoise des allergies alimentaires (AQAA) a implanté en 2004 une certification allergène contrôlé (CAC). Ce programme assure l’absence de quatre allergènes importants dans les produits certifiés, soit les arachides, les amandes, le lait et les œufs. Les entreprises Biscuits Leclerc, Krispy Kernels et Crème glacée Lambert offrent maintenant des produits certifiés CAC.