Le Canada est chanceux. Et l’Est du pays l’est peut-être davantage. Mais comme on dit, il ne faut pas trop pousser sa chance. Il vaut mieux jouer de prudence et tout faire pour conserver les avantages que bien d’autres régions du monde n’ont pas ou n’ont plus. | Par Lionel Levac
Nous pourrions garder en bon état nos sols, économiser et protéger notre eau, voir à ce que notre air reste respirable. Qui pourrait bien justifier de ne pas être d’accord avec cet énoncé? Personne, bien sûr. Mais déjà, des réticences apparaissent, dès le moment où il est question des moyens de protéger nos outils de production alimentaire.
Les exemples de discordance entre la pensée ou la parole sont de plus en plus nombreux. Par exemple, je suis le premier surpris de voir que des personnes et des entreprises qui montraient de fortes convictions pour la production biologique, par exemple, annoncent qu’elles changent leur fusil d’épaule devant les difficultés rencontrées. Ces difficultés peuvent justement, dans plusieurs cas, s’expliquer par la dégradation de l’environnement et des écosystèmes. Elles peuvent aussi dépendre de la généralisation de certaines pratiques qui, en bout de ligne, réduisent la biodiversité et créent des environnements de culture où seuls certains types de végétaux pourront croître et produire raisonnablement.
Penser les sols différemment
Je ne suis pas en train de dire qu’il ne doit y avoir que de la production biologique. Mais une chose est sûre ; le travail minimum au niveau du sol, de même que la pratique sérieuse de la lutte intégrée contre les insectes et les maladies ainsi que l’utilisation plus massive de matières organiques comme fertilisants sont des moyens qui hypothèquent et dégradent beaucoup moins l’environnement de production tout en permettant des rendements fort intéressants. Même si elles peuvent sembler simples, ces méthodes devraient permettre de produire beaucoup plus longtemps.
Pensons à différents phénomènes néfastes que nous pourrions éviter en adoptant des pratiques moins agressantes pour l’environnement, les écosystèmes et la biodiversité. Trop souvent, ce ne sont que les engrais qui permettent aux plantes de croître. Normalement, et logiquement, un sol bien vivant, rempli de matière organique et de micro-organismes devrait assurer à peu près à lui seul une bonne croissance des plantes.
Mais qui se soucie vraiment que les fruits et légumes livrés chez les transformateurs, au-delà de leur qualité et leur fraîcheur, aient été produits sans compromettre l’équilibre du milieu ambiant, sa survie à long terme et donc la pérennité des cultures? Trop peu de gens encore, tant chez les agriculteurs que chez les transformateurs.
Bien sûr, ces productions destinées à la transformation, la surgélation, la mise en boîte répondent à des cahiers de charges. Mais pour garantir la viabilité à long terme des productions il serait peut-être prudent de pousser un peu plus loin les exigences. Trop souvent, on attend d’y être contraint.
Miser sur l’économie durable
Le développement durable c’est bien davantage qu’un énoncé que l’on utilise pour montrer que quelques gestes ont été posés. Il faut protéger les éléments qui permettent de produire des aliments de qualité. À défaut de le faire c’est la décroissance qui nous guette, ou à tout le moins, une augmentation incontrôlable de coûts pour constamment et perpétuellement chercher à corriger les effets de nos mauvaises pratiques.
Le Conference Board du Canada affirmait récemment que nous devions faire du secteur de la transformation alimentaire un véritable levier économique et que les gouvernements devaient soutenir ce secteur ainsi que l’aider à se développer et se moderniser. Il est surprenant de voir cet organisme de recherche donner soudainement tant d’importance à l’agroalimentaire et y voir un potentiel majeur, alors que tous les gens de l’Industrie connaissent depuis longtemps la capacité du secteur et ne manquent pas une occasion de réclamer un peu plus de considération de la part des gouvernements.
Agir avant de réagir
Toutefois, ce n’est pas tout de reconnaître l’importance de l’agroalimentaire et même de l’aider un peu plus. Il faut lui donner une nouvelle vigueur sur la base d’un véritable développement durable, sans quoi ce ne pourrait être qu’un feu de paille. N’oublions pas que le déséquilibre climatique nous rattrape, même ici au Canada. Certes, sur une base annuelle il y a réchauffement global, un réchauffement qui donne théoriquement de nouvelles ouvertures à notre agroalimentaire. Mais plutôt que de compter sur ce phénomène, on devrait surtout s’en méfier.
Comme nous disposons encore de ressources qui peuvent être sauvées et améliorées, il apparaît urgent de donner sa véritable signification au développement durable.