Le chef Christophe Dufau, reconnu pour la fine cuisine de son restaurant Les Bacchanales à Vence sur la Côte d’Azur, était récemment de passage à Montréal dans le cadre du dîner du Marché éphémère Grey Goose. Question de connaître ce qui se passe sous la toque d’un chef étoilé Michelin, LE must s’est entretenu avec lui. | Propos recueillis par Charline-Ève Pilon
Racontez-nous votre première visite au Québec:
« La première fois que je suis arrivé à Montréal, sans le savoir, je me promenais au Marché Jean-Talon et j’ai rencontré un présentateur qui faisait l’émission Des kiwis et des Hommes (Francis Reddy). Il me connaissait car il était passé au restaurant que j’avais en France à ce moment-là et il m’a invité sur son plateau le lendemain! De mon côté, c’est la première fois que je rencontrais la belle famille (ndlr : sa conjointe est Québécoise) alors disons que ça faisait bien! Dorénavant, quand je viens à Montréal j’essaie de cuisinier un peu avec les amis comme Martin Juneau ou Jason Morris, au Fantôme à l’époque. »
Qu’est-ce qui caractérise votre façon de cuisiner? « Je suis né dans le Sud et j’ai grandi là-bas, mais j’ai quand même travaillé 14 ans de ma vie à l’étranger : New York, Hong Kong, Kuala Lumpur… Quand je suis revenu en France, j’avais l’esprit un peu trop ouvert, ce qui a un peu fait peur au public français, je dois l’avouer. Ma cuisine partait dans tous les sens selon des inspirations d’ailleurs. Maintenant je me suis mis des rails en me disant que je n’utiliserais que des produits locaux, mais ouverts sur le monde. Par exemple, je n’utilise pas d’ail dans ma cuisine parce qu’il n’y en n’a pas d’où je viens. Donc ça me met des limites que je ne peux pas dépasser et, ainsi, je reste un peu plus ancré. »
Vous aimez beaucoup travailler avec les légumes quasi à l’état brut. Est-ce que ça fait partie de votre signature? « Oui tout à fait. Quand je crée un plat, je pense d’abord aux légumes avant de mettre les protéines. Je trouve qu’il y a un éventail de saveurs bien plus important entre deux légumes. Le fenouil et la tomate, c’est plus différent que deux morceaux de viande pour moi. »
Vous êtes encore très présent en cuisine; viendra-t-il un temps où vous souhaiterez prendre un peu de recul? « Au contraire! Cette année j’ai tout remodelé mon restaurant en décidant de n’accepter que 25 personnes. Et du fait de réduire le personnel… Avant j’avais 20 personnes qui travaillaient pour moi et on faisait 50 couverts. Aujourd’hui, j’ai dix personnes et on fait 25 couverts. C’est donc nécessaire que je sois là tout le temps et c’est ce que je préfère. Le jour où je ne voudrai plus faire ça, je pense que je vendrai le restaurant et ferai complètement autre chose. »
Je me suis mis des rails en me disant que je n’utiliserais que des produits locaux, mais ouverts sur le monde. Par exemple, je n’utilise pas d’ail dans ma cuisine parce qu’il n’y en n’a pas d’où je viens. Donc ça me met des limites que je ne peux pas dépasser et, ainsi, je reste un peu plus ancré
Quels sont vos plats de prédilection lorsqu’il fait chaud ? « C’est d’un naturel pour tout le monde je pense, mais il faut privilégier des cuissons très courtes comme la cuisson sur barbecue, on ne fait pas de mijoté. Il nous arrive, par exemple, de faire la soupe de pistou qui se sert chaude. En plein été comme présentement ça marche quand même bien. C’est une soupe 100% végétale avec tous les légumes du moment et on ajoute à la fin le basilic pilé et des pignons. Aujourd’hui je me rends compte que cette soupe est un vrai bonheur, car ce sont des légumes un peu croquants et ça se mange très bien lorsqu’il fait chaud, car c’est léger. »
Quels sont les aliments avec lesquels vous avez beaucoup de plaisir à travailler? « Ça dépend des saisons. J’aime la courgette à ce moment-ci, la tomate au mois d’août, mais aussi tous les légumes racines en hiver, la pomme de terre également. Je trouve que c’est un super légume que toutes les cultures aiment. Mais je n’ai pas de préférence absolue, chacun a son rang comme tout le monde dans la société! »
Le fait que vous soyez chef étoilé vous donne-t-il une pression supplémentaire d’exceller? « Ça fait dix ans que j’ai mon étoile maintenant, et je n’aspire pas à en avoir une deuxième. Je ne travaille pas pour ça du tout. Mais je sais que la première m’a été donnée pour le service et le sérieux de mon assiette et ce sérieux-là je ne veux pas le changer car ce ne serait plus moi. Dans ce cas je serais mieux de fermer. Mais oui c’est sûr qu’il y a une pression quelque part, mais elle se gère très bien. »
La marque de vodka Grey Goose s’est dernièrement installée au jardin du Musée d’art contemporain pour deux jours de festivités gourmandes. Dans des installations inspirées des marchés de Provence, on y a retrouvé des étals de fruits et légumes, de charcuteries et de fromages fins de producteurs montréalais.