Plus que jamais, les Québécois souhaitent manger sainement. Pour relever le défi de notre génération de combiner les obligations quotidiennes, la santé et les plaisirs sensoriels, on adapte le contenu de notre garde-manger. Pour faciliter cette tache quotidienne qu’est cuisiner, les produits importés et le prêt-à-manger se côtoient plus que jamais sur nos tablettes. | Par Charline-Ève Pilon
Depuis toujours, les Québécois accordent une grande importance aux plaisirs de la table. Encore aujourd’hui, il est le reflet de notre alimentation et il s’adapte sans cesse à notre mode de vie.
Des produits « made in world »
Il faut le dire : le garde-manger n’a jamais été aussi rempli et diversifié. « On a maintenant le monde à notre table, raconte l’historien culinaire Michel Lambert et auteur de l’Histoire de la cuisine familiale du Québec. Avec l’ouverture des frontières, on a accès à des produits qui proviennent des quatre coins de la planète rapidement, et ce, à coût abordable. On en a fait du chemin. » Jamais les aliments que nous consommons n’auront autant bourlingué.
Ces facilitateurs de vie
Avec l’arrivée des produits venus d’ailleurs, les habitudes alimentaires se sont aussi transformées. D’un côté, elles se sont raffinées, avec la prolifération des marchés offrant des fruits frais diversifiés ainsi que de nombreux ouvrages culinaires proposant une abondance de nouvelles idées. De l’autre, c’est la culture du prêt-à-manger qui a explosé.
En raison de ce mode de vie où le temps devient une denrée rare, les gens sont nombreux à mettre le tablier de côté et à opter pour un repas déjà préparé. Les entreprises en alimentation l’ont compris et s’adaptent. Il est maintenant possible d’acheter des légumes surgelés parés pour la cuisson, des quartiers de pomme prêts à consommer et de la laitue lavée qu’il ne reste qu’à servir dans un bol. Bref, la recherche de commodité ainsi qu’une offre accrue d’options santé à des prix abordables ont favorisé la demande pour ces aliments rapides.
En 2006, les consommateurs québécois ont dépensé 570 millions de dollars en aliments congelés « sur le pouce », ce qui correspond à une augmentation de 2,3 % par rapport à 2005.
Une histoire de garde-manger
On n’a qu’à retourner au siècle dernier pour se rendre compte du pas de géant qu’ont connu nos habitudes alimentaires.
1915-1930 : À cette période marquée par la Première Guerre mondiale et la crise économique, le gaspillage n’était pas une option. On préparait des repas avec ce qu’on avait sous la main et l’on récupérait absolument tout en cuisine, du ris de l’animal, par exemple, en passant par sa langue et sa cervelle. Lorsque les temps étaient durs, il n’était pas rare d’ajouter de l’eau à la soupe aux pois de façon à nourrir tout le monde.
1940-1950 : Quelques années plus tard, la Deuxième Guerre mondiale éclatait en Europe. La majorité des terres agricoles du Canada étaient exploitées par des familles nombreuses et l’on découvrait la conserve comme moyen important de préservation des fruits et légumes saisonniers. C’était aussi le temps du rationnement. On limitait le recours aux aliments importés et l’on réservait la majorité des vivres pour les militaires. Cela marque l’époque des « vaches maigres » où le beurre était un luxe, alors que la pomme de terre demeurait l’aliment de survie.
1970 : L’entrée de la femme sur le marché du travail sonnait le glas des grandes tablées de dix enfants. C’était le temps des desserts tape-à-l’œil et des cafés alcoolisés après le repas. La cuisine plus légère commençait à faire des adeptes et l’idée de faire attention à son alimentation s’affichait au goût du jour. L’Exposition universelle de 1967 et les Jeux olympiques de Montréal, en 1976, ont contribué à l’ouverture du Québec sur le monde, d’un point de vue tant culturel que culinaire.
1990 : Vers la fin des années 80, on renouait avec les spécialités du terroir. Toutefois, en raison de réseaux de distribution parfois déficients, les produits tardaient à arriver aux consommateurs. Quelques années plus tard, avec l’ouverture des frontières, de nombreux produits exotiques inaccessibles autrefois trouvaient dorénavant une place sur les étalages des supermarchés.
2000 : Cette tendance se poursuit encore actuellement.
Le garde-manger de l’avenir
Pour M. Jean-Luc Boulay, chef cuisinier et propriétaire du restaurant le Saint-Amour et du Bistro Boréal, tout reste à construire pour la jeune nation québécoise. « Les Québécois sont curieux et ils sont en train de redécouvrir l’art de la table. Je vois les jeunes s’intéresser énormément à ce qu’ils achètent pour se nourrir. On dit que l’on est ce que l’on mange. Je pense que cette phrase n’aura jamais pris autant tout son sens. »