LE must

Une tempête dans nos verres d’eau ?

Les professionnels de la santé s’entendent sur l’importance de boire beaucoup d’eau. La bonne nouvelle, c’est que celle qui sort du robinet est généralement très bonne à boire. Mieux : selon l’organisme Eau Secours !, il semble que les règlements entourant l’eau potable au Québec soient parmi les plus sévères en Amérique du Nord. Néanmoins, certaines inquiétudes persistent et la mauvaise presse entourant sa consommation perdure. | Par Charline-Ève Pilon

Le souvenir de la tragédie de l’eau contaminée à Walkerton, en Ontario, en 2000, qui a fait sept victimes, est resté gravé dans la mémoire collective. De ce fait, la qualité de l’eau dite publique a été remise en doute par l’ensemble des gens et plusieurs gouvernements provinciaux ont pris les moyens pour resserrer leur réglementation. En vigueur depuis 2001, l’adoption du Règlement sur la qualité de l’eau potable par le gouvernement du Québec a engendré d’importants changements. Le nombre de normes de qualité a presque doublé, alors que les fréquences d’échantillonnage et le nombre de réseaux surveillés ont aussi augmenté.

Le goût de l’eau

À l’échelle du Québec, près de 40 % des ménages qui sont alimentés par un réseau d’aqueduc municipal traitent leur eau avant de la boire. Que ce soit une question de goût, d’odeur ou parce qu’ils ont l’impression que sa qualité est incertaine, ces personnes vont notamment opter pour l’utilisation de filtres comme ceux au charbon actif ou en céramique, ou dits à osmose inversée, qui réduisent la teneur de certains métaux et minéraux ou de sels dans une eau dite « dure ». Ces systèmes éliminent des particules en suspension ou des matières dissoutes en la rendant plus pure.

Certains sont notamment rebutés par le goût du chlore. C’est une substance qui persiste dans l’eau et c’est pourquoi on l’utilise dans les réseaux d’aqueduc à titre de préservatif, selon le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. Il existe par ailleurs une solution simple pour résorber sa présence : pour éliminer facilement le goût du chlore, laisser son pichet d’eau reposer une douzaine d’heures. Le chlore s’évapore puisque très volatile.

Boire embouteillée

Ceux qui ne sont pas convaincus de l’innocuité de l’eau provenant du robinet peuvent être tentés par celle en bouteille. Au Canada, une enquête réalisée en 2006 révélait que près de 3 ménages sur 10 buvaient principalement de l’eau embouteillée. Pourtant, une étude dévoilait en 2008 que certaines marques d’eau embouteillée aux États-Unis renfermaient les mêmes contaminants que l’eau du robinet.

Les contenants de plastique utilisés pour l’eau embouteillée sont réglementés comme des matériaux d’emballage des aliments. La plupart des bouteilles de plastique utilisées pour la vente de l’eau embouteillée au Canada sont faites de polyéthylène téréphthalate (PET) ou de polyéthylène (PE), lesquels ne contiennent pas de bisphénol A. Toutefois, il n’est « pas recommandé » de réutiliser ses bouteilles d’eau jetables.

Il reste que l’eau embouteillée, qui est sous la responsabilité du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, est réglementée au même titre que l’eau du robinet. D’ailleurs, les paramètres utilisés pour déterminer sa qualité sont sensiblement les mêmes.

L’eau embouteillée n’a particulièrement pas la cote chez les groupes écologistes en raison de la production de matières plastiques que cela engendre. En l’espace d’une année seulement, les Québécois consomment environ 775 millions de bouteilles d’eau de source ou gazéifiée. Aussi, l’eau embouteillée est dispendieuse. Un litre d’eau embouteillée peut coûter de 300 à 5000 fois plus cher qu’un litre d’eau du robinet, alors que la matière première ne coûte presque rien à produire.

Une pharmacie dans l’eau

Les médicaments qui n’ont pas été utilisés terminent la plupart du temps leur voyage dans les toilettes. Des quantités infimes d’antibiotiques qui n’ont pas été métabolisés peuvent aussi se retrouver dans les égouts par l’urine. D’après l’Action pour la protection de la santé des femmes, le corps rejette entre 50 et 90 % des ingrédients actifs des médicaments. Par contre, les concentrations sont infimes. On dit que ce qui peut être décelé dans l’eau traitée ne dépasse pas quelques nanogrammes par litre. Ce serait un peu comme un cube de sucre dilué dans un Stade olympique rempli d’eau.

Sans être pure à 100 %, l’eau potable au Québec est sans danger pour la santé et ne devrait pas être un sujet d’inquiétude. Et surtout, elle est écologique, bonne et pas chère. Alors, un petit verre ?

Le retour du fluor dans l’eau ?

Alors que dans les années 80, il était monnaie courante d’ajouter du fluor dans l’eau, il reste à peine 3 % des Québécois qui ont accès à cette substance qui est reconnue pour combattre la carie dentaire. De nombreuses municipalités sont réticentes à en ajouter dans leur eau potable en raison des coûts engendrés. Pour Montréal, par exemple, il en coûterait un à deux millions de dollars par année pour la fluoration de l’eau. De son côté, la Direction de la santé publique du Québec souhaiterait fluorer l’eau potable pour la moitié de la population de la province d’ici cinq ans.

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