LE must

Les îles Féroé
Le berceau de la nouvelle
cuisine nordique

Les Féroé ou Faroe Islands, vous les connaissez ? À cette question, certains répondront non. N’empêche que plusieurs guides touristiques les proposent parmi leurs destinations incontournables pour les années à venir. S’y rajoute et leur offrant une visibilité supplémentaire, celle d’un véritable trésor à découvrir. | Par Lise Gallant

Situées au beau milieu de l’Atlantique Nord, entre l’Islande au nord et les côtes de l’Écosse au sud, les îles sont accessibles par bateau et par avion. Cet archipel de 18 îles forme une province du royaume du Danemark depuis 1948 et jouit d’une indépendance politique sur son territoire. Il a son propre drapeau, sa propre culture, sa propre langue dite le féroïen (on y parle aussi l’anglais) et sa propre cuisine.

Paysage stupéfiant, climat surprenant

Comme au « Pays des merveilles », le temps est déréglé et tout semble disproportionné. Les îles Féroé révèlent des paysages nettement découpés par les crêtes qui les caractérisent et les fjords qui les dessinent. Nées de la lave d’éruptions volcaniques datant de quelques millénaires, ces îles séduisent par leurs manteaux verts et leurs falaises très abruptes, décrites par Jean-Noël Salomon, géomorphologue, comme de véritables « murailles côtières vertigineuses ». Il n’y a pas de lacs ni de cours d’eau, seulement l’eau des pluies qui cascadent en rafales.
En hiver, les îles Féroé sont plongées dans la noirceur jusqu’à 19 heures par jour alors que l’été, elles ont l’avantage d’avoir jusqu’à 20 heures de lumière. Le soleil ne se couche pas en été alors qu’il ne se lève pas en hiver, n’empêchant toutefois pas à cet archipel de rayonner dans bien des sens.
Avec de tels écarts, le temps n’est pas compté de façon égale ! Aussi étonnant que cela puisse paraître, les écarts de température, quant à eux, ne varient que d’une dizaine de degrés répartis sur toute une année, et cela malgré le fait que ces îles se retrouvent à peine à 4 parallèles au sud du cercle arctique. La température moyenne en hiver est de 3 C alors qu’en été, vous pourrez compter sur 14 C à l’ombre – des températures clémentes grâce au Gulf Stream. Le brouillard est omniprésent et c’est un des seuls endroits au monde où il est possible de vivre en une seule journée les quatre saisons, confient (petit sourire en coin) les Féroïens.

Moutons et humains cohabitent

Près de 50 000 personnes, dont environ 20 000 dans la capitale de Thorshavn, cohabitent avec près de 80 000 moutons. Les îles Féroé signifient « îles aux moutons » en danois. Pas étonnant ! Des moines irlandais auraient migré vers ces îles au Vᵉ siècle, apportant avec eux leurs moutons. Il y a même un temps où l’on dénombrait plus de deux moutons par habitant ! Les Féroïens défendent aujourd’hui avec beaucoup de fierté l’élevage en liberté de ces créatures à quatre pattes affichant toutes des traits différents. Les moutons sont les valeureux compagnons des Féroïens depuis toujours; non seulement ils cohabitent, mais ils dépendent d’eux pour leur survie. En effet, les moutons procurent laine et nourriture depuis la nuit des temps.

Survivre au beau milieu de la mer

Il est possible d’arriver à survivre et à y vivre de toute évidence, en dépendant de la nature et de ce qu’elle a à offrir. Les produits de la pêche en milieu naturel (morue, aiglefin, flétan, crustacés) et le saumon en aquaculture représentent aujourd’hui une véritable industrie. On comprend pourquoi une sculpture d’un immense hameçon – symbole emblématique des îles – se retrouve au beau milieu du principal carrefour giratoire de la capitale.
Outre la pêche et les moutons, les oiseaux, les lièvres et les baleines correspondent aux autres sources de protéines animales. S’y rajoutent les végétaux locaux – pomme de terre, rutabaga, panais, rhubarbe. Aujourd’hui, plusieurs Féroïens dépendent encore de la culture locale pour se nourrir même si l’importation de produits alimentaires prend de plus en plus de place. Plusieurs possèdent leur propre bateau et s’adonnent à la pêche alors qu’à l’automne, on abat les moutons, on chasse le lièvre et les oiseaux pour s’approvisionner en nourriture. Le « hjallur » ou cabane à séchage (chaque maison a la sienne) représente le principal moyen de préservation des aliments. Cette méthode éprouvée remonte aux Vikings et constitue un séchage uniquement par le vent, sans additif. Les planches des cabanes sont ajourées pour permettre à l’air d’y circuler.

La gastrodiplomatie

Depuis 2005, les chefs du restaurant KOKS de l’Hôtel Foroyar à Thorshavn, ont élaboré des recettes ainsi qu’une série de plats entièrement conçus à partir d’aliments locaux. Ils y ont introduit des herbes, de cette terre peu fertile, peu connues ou utilisées. Nommé par plusieurs « gastrodiplomatie », plus qu’une cuisine, ce courant politique permet aux États de promouvoir leur image publique en démontrant qu’il est possible de s’approvisionner localement et de façon durable – un engagement sociétal et respectable.
Par conséquent, les « foodies » ont vite adhéré à ce courant et ils en sont devenus les ambassadeurs et des joueurs de premier plan. Précurseurs, les pays scandinaves sont comptés parmi les premiers à y adhérer, visant à promouvoir l’identité nordique à travers la planète. Ils ont prouvé qu’il était possible de « gagner le monde par l’estomac » !

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