Le printemps s’en vient et les tables de jardins ont hâte d’être sorties. C’est le temps des repas entre amis, sans chichi, ni tralala ; c’est le moment des cochonnailles, les salades et autres taboulés garnissent les tables et l’idée de ne pas se tourner vers des vins trop costauds. Pour un rouge, lequel choisir ? Il faudra, à coup sûr, un vin de soif, un vin qui ne vous fera pas tourner la tête au premier verre… | Patrick Lesort, sommelier
Dénominateur commun à beaucoup de ces vins de soif : le gamay, le cépage traditionnel et unique du beaujolais, mais que l’on retrouve de plus en plus un peu partout de la France à l’Australie, de la Californie à l’Italie (Vallée d’Aoste) en passant par la Suisse (Valais et Vaudois) ou même la Roumanie. Plus près de chez nous, quelques producteurs de la péninsule du Niagara, en Ontario, et de l’île du Prince-Édouard élaborent également des vins avec du gamay.
Mais restons ici dans la patrie traditionnelle du cépage, la France, et plus particulièrement le Beaujolais, où l’on cultive le gamay depuis le début du Moyen Âge sur des sols granitiques. Ici, on boit encore le vin en pot (pichet) à l’apéritif ou pour accompagner un repas léger (une notion très relative dans cette région !). À Lyon, toute proche, on dit même qu’il y coule trois rivières, le Rhône, la Saône et… le Beaujolais, soulignant ainsi la quantité de vin consommé.
Le problème a d’ailleurs toujours été là, la quantité qui a été longtemps au détriment de la qualité menaçant jusqu’à la notoriété même et l’image globale de la région du Beaujolais. L’inondation annuelle des beaujolais nouveaux dans le monde entier n’a certainement pas arrangé les choses. À sa défense, le gamay est un cépage très prolifique qui demande à être contrôlé sérieusement en limitant le nombre de grappes par pied afin d’obtenir des récoltes de qualité. Il nécessite également des techniques de fermentation adaptées (et généralisées dans le Beaujolais) comme la macération carbonique qui réduit l’acidité et donne du corps au vin. À boire, les beaujolais modernes et particulièrement les vins issus des dix grands crus du Beaujolais sont élaborés par une nouvelle génération de viticulteurs qui rehaussent le niveau. Ces vins ont passé un cap et n’ont plus rien à envier à bien des vins plus cotés. Faciles à boire, légers ou non selon le type de fabrication, ces gamays sont conviviaux, souvent sans prétention et accompagneront très bien vos barbecues estivaux.
Toujours en France, d’autres régions ont adopté le gamay depuis bien longtemps. En premier lieu, la Touraine, région de la Vallée de la Loire reconnue pour ses fameux châteaux de la Renaissance entourés de vignes. Le gamay produit ici des vins légers, francs, gouleyants et joyeux ; des vins d’été que l’on peut boire à grandes rasades pendant tout un repas. Mais attention, la modération est toujours conseillée !
En Savoie, comme en Suisse voisine, le gamay est répandu et produit encore une fois des vins agréables aux tanins ronds, mais avec une particularité un peu plus minérale qui leur est propre. Tous ces vins conservent les arômes typiques du cépage, comme la framboise et la fraise, ainsi que cette couleur rubis brillant qui les caractérise.
Pour d’autres régions, le gamay entre dans l’assemblage des vins comme dans le saint-pourçain d’Auvergne ou dans le passe-tout-grains de Bourgogne, pour ne citer qu’eux. Accompagnant le pinot noir, le gamay donne ici aux vins sa fraîcheur distinctive et sa rondeur. Que des vins faciles à boire, à découvrir ou à redécouvrir le temps d’un été !
À l’encontre des idées préconçues que certains se font, le Côte-de-brouilly est là pour remettre les pendules à l’heure : oui, on fait du très bon vin dans le Beaujolais ! Jean-Paul Brun est l’un des meilleurs vignerons de la région. Véritable vin de terroir, son Côte-de-Brouilly dévoile tout le potentiel du gamay qui est ici à son meilleur grâce à une vinification bourguignonne. Complexe, il a des notes de framboises et de cuir. Équilibré, il a une belle matière grâce à des tanins souples. De beaux vins à déguster avec un plat de charcuteries ou des grillades juteuses, avec une tartine de pâté de campagne ou de rillettes sur du bon pain ou encore avec de la volaille ou une tranche de thon grillée.
Les deux appellations génériques :
– Beaujolais et Beaujolais-Villages
Les 10 crus (vins plus complexes):
Saint-Amour, Juliénas, Chénas, Fleurie, Moulin-à-Vent, Chiroubles, Morgon, Régnié, Brouilly et Côte-de-Brouilly
Transporter son vin
À l’instar des rosés et des blancs, les vins de gamay sont à boire frais (8 à 10°C). Il existe des sacs isothermes spécialement destinés au transport. Dans le coffre de la voiture, on couvre le sac d’une couverture pour maintenir la température initiale (ne pas le mettre au-dessus du passage du pot d’échappement !). Le vin doit rester debout : moins de surface de brassage, moins de stress pour le vin, pas besoin d’attendre pour qu’il se repose. À noter que le froid stabilise le vin : si votre vin rouge a été trop secoué, le mettre au réfrigérateur pendant au moins une heure, puis le ramener à la température suggérée. Bonne dégustation!