LE must

Manger au pays de la Teranga

Mon ami Maurice m’avait prévenue : « Dès que tu auras goûté au thieboudienne (thie bou dienne en wolof) de ma maman, tu chercheras désespérément ce goût dans les rues de la ville. » En me lançant son avertissement, Maurice m’a lâché un de ces sourires qui vous font croire que les Sénégalais ont 108 dents ! « Vas à Saint-Louis du Sénégal, à Dakar, à Gorée… fais le tour du pays ! a-t-il ajouté, narquois. Nous serons là, à ton retour et nous t’inviterons à manger. C’est ça, la Teranga. » J’allais bientôt saisir le sens de cette fameuse hospitalité sénégalaise.| Par Josée Larivée

J’ai si bien mangé dans les restos du pays que j’appréhendais presque le moment de goûter en famille au thieboudienne, ce célèbre plat national ! Serait-il vraiment meilleur que ce riz au poisson mangé chez Djembé, à Dakar ? Meilleur que le yassa poulet des stations de rue de la Casamance? Meilleur que le mulet, ce poisson farci mangé au resto de l’hôtel Résidence ? La compétition est aussi redoutable que savoureuse…

La cuisine du pays du célèbre Youssou N’Dour est souvent décrite comme la plus riche d’Afrique de l’Ouest. D’abord, les Sénégalais sont de bons vivants et apprécient les plaisirs de la table. Ils ont aussi conservé une influence française, ne serait-ce que dans leur goût pour du bon pain et des accompagnements colorés et variés.

Je prends en exemple ce mulet que l’on vide et dont on retire délicatement l’arête centrale, pour ne conserver que la tête et la peau. Les Sénégalaises mêlent ensuite la chair du poisson hachée avec de la mie de pain, de l’oignon, de l’ail, du piment, du poivre et des aromates à poisson. On réinsère la farce dans le poisson que l’on referme puis que l’on cuit au four ou au court-bouillon. Au restaurant La Pirogue, rue Marie-Parsins, on avait ajouté des fruits de mer hachés à la farce. Délectable.

J’ai aussi goûté avec ravissement à différentes versions du « yassa » qui doit sa particularité à la marinade, à base d’huile d’arachide, d’épices, de citrons verts et de vinaigre, dans laquelle macère la viande (poulet, bœuf, poisson ou mouton). On y fait mariner la viande pendant 24 heures et on la badigeonne avec le mélange durant la cuisson au feu de bois. J’ai également commandé le mafé, une spécialité constituée de poulet, de poisson ou d’agneau marinés dans une sauce onctueuse à la cacahuète (on en trouve partout, puisque le pays est un grand producteur d’arachides).

J’ai même fait, à Gorée, la découverte d’un curieux fruit, la made. Fraîche, elle ressemble à une mangue trop mûre. C’est en fait un véritable coffre-fort, rempli de minifruits à noyaux – de la grosseur d’un raisin au goût acide. Les Sénégalais l’ouvrent, et y mélangent beaucoup de sucre et une pincée de sel. Ils se partagent ainsi les petits fruits, demi-made en main, tout en discutant. Il faut absolument acheter des mades au coin d’une rue. On s’habitue au goût suret et l’on finit par en redemander.

Mais le clou du voyage sera le thieboudienne dégusté chez la famille de Maurice. L’immense plateau déborde d’un riz cuisiné dans la sauce tomate, où mijotés des morceaux de poisson frits. La mère de Maurice met aussi du manioc, de la citrouille, des carottes, du navet et de l’aubergine dans son thiboudienne. Les femmes se mettent à deux pour apporter le plat, aussi grand qu’une table à café. Nous sommes sept, installés par terre et l’on pige d’une seule main – l’autre étant réservée aux ablutions. On ne touche de ses doigts que le centre d’une petite assiette imaginaire dessinée devant soi.

Ne soyez pas surpris si votre hôte lance littéralement des morceaux de votre côté du plateau : vous êtes l’invité, et les meilleures pièces vous sont ainsi offertes. Une fois repu, vous observez que le plateau est encore si plein qu’il n’y paraît même pas que vous vous êtes gavé. La mère de Maurice me dispute, arguant que je le fais exprès de manger « si peu ». Maurice me regarde, visiblement satisfait de mon bonheur. J’ai peine à assimiler tant de saveurs à la fois. Une véritable explosion ! Vient alors mon tour d’afficher un sourire à 108 dents !

Retrouvez ici une recette de Thieboudienne.

 

Le Sénégal

Capitale : Dakar
Langue officielle : Français
Langues nationales :  wolof, malinké, pulaar, sérère, soninké, diola
Religions : musulmans (90 à 94 %); chrétiens catholiques (4 à 6 %)
Monnaie : Franc CFA
Population : 14 086 000 habitants
Source : Wikipedia 

 

 

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