C’est animé, le bruit des casseroles se fait entendre, la machine à café ronchonne… Bienvenue dans un bistro, l’endroit par excellence pour manger rapidement sans dégarnir son portefeuille et de manière généreuse… tant sur la portion que sur le sel et le gras. Un plaisir qui pourrait venir contredire notre souhait de vouloir bien nous nourrir ? | Par Charline-Ève Pilon
Car au-delà de son décor intemporel, de ses habitués attablés au bar et de sa grande carte de vins, c’est dans le menu que la cuisine bistro se définit. Figure emblématique de la restauration parisienne, elle en est une de terroir, de mémoire et qui défie les modes. Plus accessible pour le portefeuille que les restaurants gastronomiques, elle n’en est pas moins consistante, n’en déplaise à ceux qui surveillent leur ligne.
Bistro = fast food ?
Il est vrai que ces incontournables inspirés de la cuisine française qui sont réinventés au gré des saisons sont réputés pour être costauds et réconfortants. La mousse de foie de volaille, les saucisses Toulouse, le magret de canard, le pot-au-feu, le boudin maison et la soupe gratinée peuvent rapidement peser lourd sur la balance. Une portion du classique steak frites avec une sauce aux poivres contient à elle seule près de 1000 calories et 40 g de lipides; et c’est sans compter l’accompagnement de mayonnaise. Cette cuisine rapide, simple et accessible pourrait-elle se rapprocher de ce que l’on retrouve dans la restauration rapide et que l’on nomme fast food ?
« Oui et non », répond la nutritionniste Hélène Baribeau. Ce qui distingue la cuisine bistro de celle de la restauration rapide, selon elle, c’est la qualité des aliments qui sont sélectionnés dans le premier cas. « Tout le côté industriel est éliminé. On va opter davantage pour des produits locaux et de saison. Mais ça n’enlève rien au fait que ça peut être riche, en trop grosse quantité et surtout salé. Les restaurateurs veulent que leurs plats aient bon goût. Malheureusement, bien des gens vont penser que parce que ce sont des recettes dites faites maison, c’est santé. Ce qui n’est pas toujours le cas. »
Troquet de proximité
Pour Yassin Bellouchi, propriétaire du Tire-Bouchon, un restaurant qui a pignon sur rue depuis plus d’une quinzaine d’années à Boucherville, la cuisine bistro s’est adaptée et elle est beaucoup plus « saine » que ce qu’elle a été auparavant. Il est d’avis que bien des recettes ont été revues afin de s’adapter à la réalité de ceux qui font davantage attention à leur alimentation. « Les recettes sont simples et ne se démodent pas, note-t-il. Certains plats ont été allégés; on tente de mettre de l’huile d’olive, de faire des sauces légères et d’ajouter plus de légumes dans les assiettes. Oui, il y a la crème et le beurre, mais on les utilise moins généreusement. Évidemment, le goût est différent des classiques, mais c’est une cuisine qui évolue. »
À la recherche de plaisir malgré une conscientisation importante aux questions de santé, le consommateur sait prendre le temps de s’offrir quelques gâteries, des aliments « réconfort » et des « agréments culinaires » sans en perdre sa chemise. S’ajoute à cela le plus grand intérêt des consommateurs pour l’achat d’aliments locaux. C’est ce qui ressort d’une enquête réalisée par la Fédération culinaire canadienne au début de l’année 2013. De là la tendance pour les restaurants de type bistro. « Lorsque le client vient manger ici, indique M. Bellouchi, il vient parce qu’il sait qu’il va passer un bon moment. Il sort de chez lui pour une expérience gustative. C’est ce qui compte. »
À ses débuts, le bistro était l’endroit où l’on causait, où l’on attendait l’être aimé, où l’on traînait en fin de journée après l’ouvrage. On y allait pour vaincre la solitude, pour lutter contre le froid. C’était un lieu d’accueil, d’échanges et de rendez-vous. Celui que l’on appelait à ses débuts la « taverne » et, un peu plus tard, le « café », a longtemps été le refuge de ceux qui n’avaient pas de domicile fixe. En ville, chaque classe sociale avait ses adresses.
Dans un bistro près de chez vous
Encore aujourd’hui, on aime son côté chaleureux. On y va pour partager un repas avec des amis, on vient à toute heure du jour pour y lire son journal. Il y a quelque chose de réconfortant et d’accueillant. On s’y rend comme chez un vieil ami… Et surtout, il fait bon se retrouver alors qu’on est aux portes de la saison froide.
D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si plusieurs grands chefs commencent à être séduits par la cuisine dite bistronomique. Cette nouvelle gastronomie de comptoir pourrait devenir une option pour ceux dont les tables sont hors de prix et qui se situent entre le raffinement, la convivialité et des prix convenables.