S’il y a longtemps que les Québécoises ont envahi le marché du travail, les standards de perfection qui leur sont imposés en cuisine n’ont pas changé. Au contraire, ils semblent même s’intensifier. Manger bio, favoriser les ingrédients locaux, concocter des repas santé sans aliments ultra-transformés, en respectant un budget : les attentes envers les membres de la gent féminine sont énormes. Mais comment parviennent-elles à tout faire ? | Par Marie-Josée Roy
Chaque jeudi, Marie-Ève Perreault consulte les circulaires pour prévoir son menu de la semaine. Pour la mère de Zachary, cinq ans, Charlie, trois ans, et Maurane, deux ans, la planification est essentielle. En apprenant que son aîné souffrait de graves allergies alimentaires, elle a fait le choix de repenser l’alimentation de toute la famille. « Pour être honnête, ça m’a pris au moins deux ans à refaire mes réflexes en cuisine », avoue-t-elle. En plus de cultiver un potager, Marie-Ève et son mari, Antoine, se font un devoir d’encourager les commerçants locaux et les pratiques responsables en matière d’agriculture. « Pour moi, ça va de soi, mentionne la femme de 38 ans. C’est un choix que j’ai fait il y a une dizaine d’années. »
Des tendances divergentes
Les préoccupations éthiques de Marie-Ève en matière de consommation s’inscrivent dans un courant qui prône un retour aux aliments biologiques, cultivés localement et cuisinés avec amour. D’un autre côté, les cuistots en manque d’inspiration n’ont jamais eu autant de choix. Repas préparés vendus en épicerie, traiteurs, boîtes-repas, services de livraison : il est désormais possible de rentrer du bureau sans devoir se mettre aux fourneaux. Selon Luna Bégin, sociologue spécialisée dans les pratiques culinaires au Québec, ces deux tendances sont complémentaires. «On a des contraintes d’un côté et des idéaux de l’autre, et on est souvent tiraillés entre les deux. C’est ce qui explique qu’une personne puisse très bien manger une pizza surgelée un soir de semaine et passer son samedi à cuisiner un repas gastronomique à partir d’aliments bios achetés au marché.»
Le concept d’alimentation santé change selon les époques, les cultures et les sociétés. Ce qui ne change pas, c’est que c’est généralement la femme qui s’en occupe!
Cuisinières sous pression
Non seulement les femmes sont-elles tenues d’être irréprochables en cuisine, mais elles doivent aussi composer avec le jugement des autres. « On est toujours en train de se comparer et, évidemment, on veut toutes prouver qu’on est les meilleures mères au monde », affirme Marie-Ève, qui travaille comme adjointe à la direction dans une compagnie d’assurance. Cet idéal de perfection découle aussi de la grande valeur que notre société accorde à l’efficacité. « On optimise tout au maximum, rappelle Luna Bégin. On doit cuisiner le meilleur repas possible, au meilleur prix possible et dans le meilleur délai possible.» Selon la sociologue, concilier avec brio ces idéaux et ces contraintes n’est pas donné à tout le monde. « Les boîtes-repas ont du succès parce qu’elles proposent des plats santé qui apportent une part d’exotisme et dont une partie de la préparation est déjà faite. C’est beaucoup plus rapide à cuisiner, mais c’est aussi beaucoup plus cher. Ça demeure un privilège pour ceux qui en ont les moyens. »
Un travail invisible
Marie-Ève l’admet d’emblée : les efforts requis pour bien nourrir sa famille ont changé sa perception de la cuisine. « Je suis une foodie, mais avec mes obligations et mes contraintes, cuisiner est devenu plus une nécessité qu’un plaisir. » Même quand l’homme se charge de préparer les repas de tous les jours, c’est souvent la femme qui s’assure de respecter les normes nutritionnelles et de garder l’oeil sur les nouvelles tendances en cuisine. « Le concept d’alimentation santé change selon les époques, les cultures et les sociétés. Ce qui ne change pas, c’est que c’est généralement la femme qui s’en occupe ! » affirme Luna Bégin. Qu’elles soient derrière les fourneaux ou pas, les membres de la gent féminine veillent généralement à l’équilibre du menu familial. « Je m’impose beaucoup de pression pour que ça roule et qu’on ne manque de rien. Il y a une charge mentale liée à ça », rappelle Marie-Ève, qui a choisi d’alléger la pression en développant un système de planification efficace. « Avant, je me demandais toujours : « Qu’est-ce qu’on va manger ce soir ? Comment je m’organise ? » J’ai toujours l’entière responsabilité de l’alimentation familiale, mais au moins, je n’ai plus besoin d’y penser toute la journée ! »
Et si on déléguait ?
Nombreuses sont les cuisinières qui soupirent devant le manque d’initiative de leur douce moitié, mais qui refusent que celle-ci mette la main à la pâte. « Je veux que ma famille s’alimente bien, mais Antoine fait des choix culinaires qui sont moins santé que les miens », déplore Marie-Ève. Comme ses connaissances en cuisine sont plus limitées, il se contente d’aider lors des périodes difficiles. « C’est souvent lui qui fait l’épicerie et qui s’occupe de la vaisselle. J’avoue que j’ai du mal à le laisser aller en cuisine. » Pourtant, un partage des tâches plus équitable peut certainement contribuer à alléger la charge mentale que les femmes s’imposent. Si le talent culinaire de monsieur laisse à désirer, pourquoi ne pas lui offrir un cours de cuisine personnalisé pendant lequel il pourra apprendre à concocter quelques plats simples ? Ce lâcher-prise pourrait s’avérer payant les soirs de semaine.
Trousse de survie pour cuisinières averties :
- Faites-en une affaire de famille
Impliquez les enfants dans la préparation des repas en demandant à chacun d’accomplir une tâche adaptée à ses capacités. Les adolescents peuvent apprendre à cuisiner des plats simples. - Organisez-vous
Planifier vos repas chaque semaine vous permettra de sauver temps et argent. Consultez des livres de recettes et élaborez votre menu. Si possible, cuisinez quelques plats le dimanche pour alléger votre début de semaine. « J’utilise l’organisateur de semaine du site Les Bonnes Combines », mentionne Marie-Ève. - Mangez froid
« J’aime bien planifier des repas froids : cubes de fromage, crudités, fruits frais… On peut rendre ça super ludique pour les enfants », suggère Marie-Ève. - Dérogez à la routine
Gardez à portée de main un produit du commerce que vous pourrez servir en cas d’urgence. « Si j’ai eu une mauvaise journée ou que je ne veux pas me casser la tête, je saute mon menu du jour et je fais des croquettes de poulet », révèle Marie-Ève. - Gagnez du temps
Si vos moyens vous le permettent, procurez-vous les boîtes de prêt-à-cuisiner que proposent des entreprises comme MissFresh, HelloFresh et Goodfood ou faites appel aux services d’un traiteur. - Prenez des raccourcis
Ayez recours à certains produits préparés pour accélérer la préparation des repas. Vous pouvez par exemple utiliser un mélange de légumes surgelés pré-coupés pour concocter votre sauce à spaghetti.