On mange son repas quand tout à coup on aperçoit un petit vers. La grimace passée, on repousse son assiette. On dit que les insectes, en général, sont des aliments nutritifs, riches en protéines et en lipides, et fournissant de grandes quantités de minéraux et de vitamines. Alors pourquoi ne pas les ajouter au menu? | Par Charline-Ève Pilon
La consommation d’insectes par des humains, ce qu’on appelle l’entomophagie, est très peu répandue en Amérique du Nord. Leur élevage l’est encore moins. Pourtant, sauterelles, grillons et chenilles complètent les régimes alimentaires d’environ deux milliards de personnes sur la planète. Et certains voient cette tendance comme l’avenue alimentaire à emprunter.
En 2013, un rapport favorable à l’entomophagie a été publié par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Dans ce rapport, la consommation d’insectes est suggérée en raison de ses nombreux avantages, à commencer par ses qualités nutritionnelles.
Une solution comestible
À poids égal, il est démontré que les propriétés des insectes comestibles égalent ou dépassent celles de la viande. À titre d’exemple, alors qu’une poitrine de poulet contient en moyenne 26% de protéines, un grillon en contient généralement 52%. On trouve dans les insectes 22 acides aminés, dont neuf essentiels, beaucoup de calcium, du potassium, du phosphore, beaucoup de cuivre et de zinc.
Bien qu’ici ils soient à peu près inexistants, ailleurs dans le monde il existe diverses formes d’élevages commerciaux à plus ou moins grande échelle qui se mettent en place un peu partout, souvent à peu de frais. C’est une façon de contribuer à une plus grande disponibilité d’aliments nutritifs dans des endroits où l’accès à un régime alimentaire est difficile pour la population.
C’est aussi une façon de donner un coup de pouce à l’économie locale. Également, l’élevage d’insectes est plus écologique et moins coûteux que celui du bétail. Et contrairement aux autres animaux tels que le bœuf, le porc ou la volaille, ils ne contribuent pas à la déforestation, à la pollution des eaux ou aux émissions de CO2.
Plus de bouches à nourrir
L’entomophagie pourrait venir au secours de la croissance démographique planétaire en réduisant l’impact environnemental des humains. D’ici 2030, plus de 9 milliards de personnes devront être nourries, tout comme les milliards d’animaux élevés chaque année. Il faut également considérer d’autres facteurs comme la pollution des sols et de l’eau causée par la production animale intensive, le surpâturage, conduisant à la dégradation des forêts, contribuant directement aux changements climatiques et à d’autres effets néfastes sur l’environnement. Pour contrer ces désastres éventuels, de nouvelles solutions doivent être explorées et les insectes en font partie.
Ces derniers ont l’avantage d’être partout et de leur reproduction est rapide et prolifique, comme le note le rapport de la FAO. Plusieurs experts s’entendent aussi pour dire que la consommation d’insectes à grande échelle serait bonne pour l’économie, en autres au niveau des élevages d’espèces les plus populaires comme le grillon domestique, notamment sous forme de poudre protéinée.
Plus de 1900 sortes d’insectes seraient comestibles. Voici ceux qui seraient les plus consommés dans le monde. Coléoptères : 31% Chenilles : 18% Abeilles, guêpes, fourmis : 14% Sauterelles, criquets, grillons : 13% Des études scientifiques parlent de la consommation de 250 espèces d’insectes en Afrique, 549 au Mexique, 180 en Chine, et 160 dans la région du Mékong. Bien que le Japon ne soit pas un pays tropical, un certain nombre d’espèces d’insectes est inclus dans la nourriture populaire, en particulier les guêpes.
Grillons inc.
L’utilisation d’insectes à grande échelle comme ingrédient alimentaire est techniquement faisable, et certaines entreprises établies dans diverses régions du monde ont déjà emboîté le pas. Au Québec, une seule entreprise a pour le moment décidé de tenter ce type d’élevage ; uKa Protéine. Elle possède un élevage de ténébrions meunier (vers à farine) et de grillons provenant principalement des Pays-Bas. Par ailleurs, comme elle souhaite contrôler la qualité de ses produits et réduire les coûts de transport qui font doubler le prix d’achat des insectes, elle a récemment initié sa propre production.
Sa « ferme » mesure six pieds carrés où l’on trouve 3000 larves de ténébrions nourries aux légumes biologiques. En 12 semaines, les larves deviennent de petits scarabées capables d’avoir une nouvelle progéniture. C’est cette dernière, plus tendre, qui est ensuite nourrie, sevrée, gelée puis déshydratée pour être ensuite cuisinée. Ces produits sont notamment transformés en barres tendres au chocolat et vendus sur Internet.
Même si pour le moment aucune autre entreprise au Québec n’a un tel élevage, il reste que l’intérêt est tout de même palpable. À l’Insectarium de Montréal, quelques appels ont été placés, questionnant la possibilité de démarrer des fermes d’élevage d’insectes à des fins de consommation humaine.
Des fermes d’insectes
Il est encore peu probable pour l’instant que les fermes d’insectes remplacent les fermes de bovins. Toutefois, dans une perspective de développement durable, il serait intéressant de s’y pencher. D’ailleurs un chercheur de l’Université McGill, Robert Kok, aurait même réussi à prouver qu’il est possible d’enrayer la famine en mettant au point une ferme d’élevage misant sur la production des protéines d’insectes de manière industrielle.
Ce jour où des grillons domestiques seront croqués pour le mieux-être de la planète est-il loin? Difficile de prédire l’avenir pour le moment. Tout commence avec un changement de perception envers les insectes. L’Amérique du Nord a beaucoup à faire et à apprendre sur l’entomophagie.
Déjà plusieurs civilisations ont des insectes dans leur alimentation depuis déjà longtemps, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Est-ce à dire qu’ils ont une longueur d’avance en termes de vision alimentaire à long terme? Seul l’avenir le dira.