Les microbrasseries du Québec ont de la broue dans le toupet ! Elles ont conquis l’estomac des Québécois depuis quelque temps déjà, mais elles ne s’assoient pas sur leur houblon pour autant, car la bière est aujourd’hui un art respecté dans la province, une nouvelle religion même. Encore jeune, cette industrie est en constante évolution. | Par Caroline Trudeau
Depuis déjà un bon moment, les papilles des Québécois apprécient le houblon et l’amertume des bières. Ils ont délaissé la traditionnelle bière d’épinette, puis les Molson de ce monde, pour embrasser les India pale ale (IPA), pilsner, porter, Scotch ale concoctées par les brasseurs du Québec et inspirées des produits traditionnels belges, anglais et allemands. Contrairement à ce qu’on buvait autrefois, aujourd’hui, on choisit des produits de longue fermentation, à teneur souvent plus élevée en alcool et aux arômes complexes. « Si la consommation globale de bière a diminué au pays, la consommation de bière de microbrasserie, elle, a augmenté », souligne Marie-Eve Myrand, directrice générale de L’Association des microbrasseries du Québec (AMBQ). À preuve, de 2011 à 2017, le nombre d’entreprises brassicoles a presque doublé au Québec. À ce jour, on en compte 190.
Le Saint Graal malté
Avant, pour se procurer sa bière, on se rendait tout simplement dans n’importe quel dépanneur du coin ou à l’épicerie, où l’on trouvait sensiblement la même sélection de produits. Aujourd’hui, l’amateur de produits maltés se rend dans les boutiques spécialisées. Ces nouveaux détaillants ne s’en tiennent pas à offrir une dizaine de variétés, coincées entre deux litres de lait et un sac de croustilles. Sacrilège ! Ici, la bière est sacrée et on ne fait pas les choses à moitié. Ils ont d’ailleurs commencé à s’unir, en créant en 2016 l’association des Détaillants de bières spécialisés du Québec. Les membres de cette organisation (une trentaine jusqu’à présent) mettent les nectars houblonnés sur un piédestal, et c’est tant mieux ! Partageant la même passion pour cette boisson que les brasseurs, ils se font même préparer des brassins exclusifs qu’on ne peut trouver que dans les magasins membres de l’association.
L’essor des bistrots-brasseries
Toutes les microbrasseries n’embouteillent pas leurs créations alcoolisées. On doit se déplacer directement dans les bars de microbrasseries, ou bistrots-brasseries, pour les déguster, le tout accompagné d’une bonne assiette de nachos et au son d’un groupe local. En effet, les bistrots-brasseries sont aujourd’hui au coeur de la vie culturelle des municipalités. Visiter une municipalité sans s’arrêter à la microbrasserie de la place serait manquer une occasion d’apprécier la saveur locale de la région et sa personnalité.
Un attrait touristique
D’ailleurs, les trajets brassicoles se multiplient un peu partout au Québec. La Route des bières de l’Est-du- Québec, qui promeut les bières de Kamouraska aux Îles-de-la-Madeleine, en passant par Carleton-sur- Mer, compte aujourd’hui 15 microbrasseries sur son parcours qui existe depuis 2011. Le Saguenay–Lac-Saint-Jean vient quant à lui de lancer sa toute première route, répertoriant 14 microbrasseries. La Mauricie, avec 13 entreprises brassicoles, est une région dans laquelle les zythophiles (amateurs de bière) sont également bien servis. Une route des bières mauricienne est d’ailleurs en train de se dessiner. Enfin, le site de l’AMBQ comprend une carte interactive comptant plus de 100 microbrasseries. C’est très pratique pour concevoir vous-même votre circuit brassicole.
À savourer à la maison
Les brasseurs peuvent donc compter sur les circuits touristiques pour faire connaître leurs brassins, mais ils ne se sont pas arrêtés là! Ils ont également travaillé pour l’entrée en vigueur du projet de loi 88 permettant aux artisans brasseurs de vendre des produits que le consommateur peut emporter chez lui. Avant, seuls les détenteurs d’un permis de type brasseur pouvaient le faire. On compte plus d’une cinquantaine d’artisans détenant le permis de producteur artisanal au Québec. Cette mesure est encore peu connue, et c’est dommage! En effet, peu de gens savent qu’il est possible aujourd’hui de repartir de sa microbrasserie préférée avec des cruchons de 950 ml à 2 l.
Les dangers du craft washing
Si les microbrasseries du Québec ont gagné cette bataille contre le gouvernement et ont réussi à assouplir la réglementation, ils font malheureusement face aujourd’hui à un nouveau défi : le craft washing. « Après avoir fait du green washing, (la tactique de certaines entreprises pour avoir l’air plus écologiques pour vendre plus de produits), les grandes entreprises ont commencé à développer cette façon d’avoir l’air artisanal pour faire plus de ventes, explique madame Myrand. Pour comprendre, on n’a qu’à penser à la microbrasserie le Trou du diable de Shawinigan, en
Mauricie, qui a récemment été achetée par Molson Coors. Les gens qui ne suivent pas l’actualité croient encore qu’ils boivent une bière de microbrasserie, alors qu’en fait ils encouragent une multinationale », conclut-elle. Alors, cet été, allez à la rencontre des vrais artisans du houblon, chez eux. Ils vous serviront une pinte avec grand plaisir !
À essayer
La microbrasserie Le Naufrageur, de Carleton-sur-Mer, vient de lancer l’une des premières bières salées à base d’eau de mer au monde : la Gose-sur-Mer. Cette bière faite avec 18 % d’eau de mer est bien sûr offerte en quantité très limitée (3300 litres). Le Saint-Bock, à Montréal, a lancé ce printemps six bières alcoolisées, brassées avec des extraits de cannabis pur. Il s’agit des toutes premières bières au cannabis sans THC au Canada.
Très bonn
Merci!