Une des raisons qui nous pousse à nous méfier d’une personne peut se résumer au fait que l’on ne la connaît pas très bien. C’est un peu la même chose avec les additifs alimentaires utilisés comme agents de conservation. Or, qu’en est-il de ces substances ? | Par Robert Simpson, M. Sc. en chimie, professeur de chimie alimentaire à l’Institut de technologie agroalimentaire, campus de Saint-Hyacinthe
Le Règlement sur les aliments et drogues définit un agent de conservation comme étant « toute substance dont l’emploi est tel (…) que cette substance ou ses sous-produits sont intégrés à un aliment ou en modifient les caractéristiques ». Parmi les substances qui sont exclues, on note, entre autres, les ingrédients alimentaires, les vitamines, les épices et les assaisonnements.
Pour quantifier l’utilisation des additifs alimentaires, des tests sont faits pour en déterminer la dose « sans effet », c’est-à-dire la quantité de produit pour laquelle on n’enregistre ni toxicité ni effet jugé grave et préjudiciable à l’organisme. Par la suite, la dose admissible ou acceptable à ajouter aux aliments est souvent le centième de la dose dite sans effet.
Rehausser, améliorer et préserver
Il est important de bien distinguer comment ces substances peuvent jouer un rôle antimicrobien. Elles sont très utiles, car elles préviennent ou ralentissent la détérioration des aliments causée par les moisissures, les bactéries et les levures. Il existe également des agents de conservation servant à empêcher ou à ralentir les altérations provoquées par l’oxygène.
Leur principale action est d’empêcher les microorganismes de se reproduire en les privant de leur capacité à produire de l’énergie ou à utiliser les différents nutriments retrouvés dans les aliments. Parmi les agents de conservation antimicrobiens, on retrouve plusieurs composés acides ou leurs sels.
Certains agents de conservation empêchent le phénomène de brunissement rencontré principalement dans les fruits et les légumes. Les composés acides tels que l’acide citrique (retrouvé naturellement dans les agrumes) et l’acide tartrique (retrouvé naturellement dans les raisins) acidifient les produits alimentaires et ainsi ralentissent l’activité enzymatique empêchant la formation des pigments bruns responsables du changement de coloration; pour cette raison, on trempera les tranches de pommes fraîchement coupées dans le jus de citron.
Doit-on se méfier de ces agents de conservation ? Selon les informations disponibles sur la règlementation et les rôles de ces substances, leur utilisation prime largement les dangers que peut comporter leur ingestion, mais comme dans toute chose, la modération a bien meilleur goût.
Il est possible de trouver la liste de ces additifs ainsi que les quantités permises selon leur utilisation sur le site de la législation du Gouvernement du Canada : http://laws-lois.justice.gc.ca dans la section « Liste des additifs autorisés ».
Les agents de conservation antimicrobiens les plus utilisés
L’acide sorbique et les sorbates sont utilisés pour contrer le développement des levures et moisissures, particulièrement dans les fromages et les produits à base de fromage, les produits de boulangerie et les produits à base de fruits (jus, confitures, gelées). Ces composés ont été isolés à l’origine à partir des baies du sorbier.
L’acide benzoïque et les benzoates
Ils sont employés surtout dans les produits à base de fruits, dans le chocolat ou les poissons dans lesquels ils empêchent la formation des composés chimiques responsables de l’odeur désagréable des produits de la mer. À l’état naturel, on retrouve une quantité non négligeable d’acide benzoïque dans la canneberge. Il est important de noter que certaines personnes peuvent être allergiques à ce composé.
L’acide propionique et les propionates sont utilisés pour contrer le développement des moisissures en empêchant la production d’énergie. Ils sont employés principalement dans les produits de boulangerie, dans les produits laitiers tels les fromages, aussi incorporé dans l’emballage du beurre et dans certains produits végétaux (sirops, tranches de pommes, cerises, pois, fèves de lima, confitures et gelées).
Les nitrites et les nitrates sont des agents de conservation très contestés puisqu’ils peuvent former des nitrosamines possiblement cancérigènes. Néanmoins, leur utilisation est très importante dans les produits de charcuterie salés comme le jambon et le bacon puisqu’ils préviennent la croissance de Clostridium botulinum qui sécrète la toxine du botulisme. Les nitrites sont également responsables de la coloration rosée de ces produits. Certains fabricants remplacent ces agents de conservation par différents produits végétaux comme le jus de céleri qui contient une quantité importante de nitrates et de nitrites à l’état naturel.
L’acide ascorbique (vitamine C) est très utilisé dans la fabrication des produits de la pomme (jus, tranches, purée) puisqu’en plus d’acidifier le produit, il est antioxydant, c’est-à-dire qu’il empêche l’oxygène de réagir et ainsi de détériorer le produit.
Finalement, des substances comme les tocophérols (vitamine E), le BHA et le BHT sont utilisés pour empêcher la décomposition de certaines huiles comme l’huile de maïs ou l’huile de canola qui peuvent produire des radicaux libres responsables des goûts et des odeurs désagréables retrouvés dans les huiles oxydées (décomposées par l’air).