De plus en plus d’études démontrent que le savoir culinaire est étroitement lié à la saine alimentation. Malheureusement, l’école a depuis longtemps délaissé les cours d’économie familiale où plusieurs d’entre nous ont appris à manier les casseroles. Qui plus est, les connaissances culinaires de nos grands-mères ne sont plus léguées en héritage et les publicités nous présentent la cuisine comme une corvée. Peut-être devrions-nous revenir aux sources et remettre la cuisine au centre de la famille québécoise et de l’apprentissage scolaire? | Par Linda Montpetit
L’alimentation à l’école
L’enseignement des notions de nutrition et de cuisine fait partie des recommandations. On demande en effet aux écoles de faire l’éducation et la promotion de la saine alimentation. Il appartient à chaque établissement d’enseignement de mettre en place des activités hors curriculum et des outils de communication axés sur la saine alimentation.
Selon le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, « bien que la famille joue un rôle de premier plan dans le développement et le maintien de saines habitudes de vie, telle la saine alimentation, la collaboration de l’école est importante.» Il souligne que plusieurs organismes tels que l’Organisation mondiale de la santé, la Fondation des maladies du cœur et les diététistes du Canada s’entendent pour dire que le milieu scolaire est le lieu par excellence pour rejoindre le plus grand nombre de jeunes et les sensibiliser à l’importance d’un mode de vie sain.
Paradoxalement, au Québec, l’acquisition de ces connaissances n’est pas incluse dans le curriculum scolaire.
Qu’en pensent les parents?
« On n’enseigne plus l’alimentation d’une génération à l’autre. De plus, le mode alimentaire de nos ancêtres était davantage fondé sur des croyances que sur des notions scientifiques. L’alimentation ayant beaucoup évolué depuis les 20 ou 30 dernières années, je crois qu’on a besoin de l’école pour éduquer les enfants – et les parents! Comme c’est à la maison que les enfants mangent le plus souvent, ça devrait être la tâche des parents de veiller à la saine alimentation. » – Mme Nathalie Thibaut, mère de deux enfants
« Les enfants acquièrent des connaissances culinaire et alimentaire et qu’ils développent un sens critique face à ce qu’ils mangent est un bel acquis. Par contre, il serait déplorable que ce soit au détriment d’autres matières académiques. » – Mme Hélène Duchaîne, mère de quatre enfants
L’alimentation au cœur des compétences transversales
L’enseignement de la saine alimentation est généralement réservé au professeur d’éducation physique et souvent de façon ponctuelle, lors du mois de la nutrition, par exemple. Depuis quelques années on parle d’enseignement de compétences transversales. Et l’alimentation s’insère très bien dans cette notion, comme le faisait valoir le Dr Jean-Pierre Després, chercheur au Département de médecine sociale et préventive à l’Université Laval, dans le cadre d’une entrevue accordée à la publication L’École branchée. « Pourquoi ne pas explorer la chimie des aliments en apprenant à cuisiner, calculer des calories en mathématiques et se servir des cours de biologie pour enseigner l’impact de la sédentarité et de la malbouffe sur le corps humain? » proposait-il.
À savoir…
Une compétence est dite transversale lorsqu’elle permet d’agir efficacement dans une large variété de situations ayant des thématiques diverses.
En effet, quoi de plus appétissant que d’illustrer les réactions chimiques par la fabrication d’un gâteau! En géographie et en histoire on peut explorer les plats traditionnels et les coutumes alimentaires à travers le monde. En science de la nature, on peut faire pousser des germes de luzerne ou des légumes, si les installations le permettent. Choisir une recette, faire un budget, comparer les prix des ingrédients et les valeurs nutritives. Pourquoi ne pas analyser des publicités alimentaires et les critiquer en groupe?
Des recettes éprouvées
En attendant le jour où l’on pourra peaufiner ses notions de chimie en potassant du livre de cuisine moléculaire, les élèves peuvent déjà bénéficier d’une foule de programmes. Qu’ils soient gratuits ou payants, destinés aux élèves ou aux enseignants, près d’une dizaine ont déjà faits leurs preuves. D’autres écoles ont aussi développé leurs propres approches, fort ingénieuses, comme à l’école Henryville, qui a réalisé de belles inititatives.
L’école Henryville est une petite école primaire de milieu modeste comptant 86 élèves et des enseignants résolus à voir les jeunes manger sainement. Suite à un constat désolant du contenu des boîtes à lunch, Brigitte Fortin, enseignante à la maternelle et sa collègue Nancy Samson, professeure de 4e année, ont décidé d’inciter les parents à offrir une alimentation plus saine à leurs enfants. Comment? En éduquant les enfants! Elles ont donc mis sur pied un projet conjoint entre les élèves de la maternelle et de la 4e année visant à éveiller le sens critique des enfants face à ce qu’ils mangent et à les initier à la cuisine. Mais, il était hors de question de simplement donner des recettes et des fiches d’information. « Des recettes, c’est facile à trouver, mais quoi faire pour convaincre les gens de les cuisiner? Il faut faire goûter! », explique Mme Fortin.
Pendant trois mois, les élèves ont fait de la recherche, des essais d’ingrédients et durant une semaine entière, toute l’école incluant les élèves, le personnel et la direction, ont dégusté des menus complets concoctés par les élèves impliqués dans le projet. « Les élèves retournaient à la maison avec la recette et leur fiche d’appréciation, à remettre à leurs parents. »
Les élèves de 4e année ont notamment effectué une recherche sur les étiquettes des aliments et ont produit un aide-mémoire sur les critères à observer pour effectuer des choix santé en supermarché. Les petits de la maternelle choisissaient les recettes et lorsqu’une de celles-ci présentait un nouvel aliment, des dattes par exemple, on leur faisait goûter. Lorsque possible, les activités étaient intégrées dans les matières.
Résultat du projet? « Les élèves viennent me voir pour me dire : ma mère a changé notre pain habituel pour un choix plus santé ou ma mère nous prépare maintenant du yogourt avec des fruits, etc. », conclut Mme Fortin avec grande satisfaction. Le projet a finalement mené à la production d’un livre d’une centaine de pages.
Nourrissons l’avenir!
Il semble clair que le rôle de l’école reste à définir. Dans le cadre de la prise de conscience environnementale, son rôle aura été indéniable, et fort à parier qu’il en sera de même dans le dossier de la saine alimentation. Nos enfants ont enclenché le virage vert; ils nous ont appris à recycler et à prendre soin de la planète. Qui sait, peut-être les jeunes nous apprendront-ils aussi à mieux cuisiner et à prendre notre santé et celles des générations futures en main.
Compétence transversale, voilà un fameux moyen de présenter les choses. Si l’on m’avait fait faire une tarte ou un gâteau quand j’apprenais les fractions et n’y comprenais rien, j’aurais saisie avec les tasses à mesurer et en coupant le dessert ce qu’était un tout qu’on pouvait fractionner. Concret à comprendre.
Félicitation pour vos articles.
Depuis 15 ans, Les ateliers cinq épices animent des ateliers de cuisine-nutrition dans les écoles, durant les heures de classe. Notre programme d’Art culinaire d’alimentation et de nutrition (PACAN) est finement articulé au Programme de formation de l’école québécoise. La cuisine est une bonne occasion pour apprendre ses fractions dans les chaudrons et la lecture en cuisinant une recette! Communiquez avec nous pour plus d’information au 514-931-5031.