LE must

Katell Burot, cofondatrice de Carrément Tarte : carrément à sa place

Le beurre, le beurre et encore le beurre. C’est le roi des ingrédients chez Carrément Tarte depuis sa fondation en 2014. Mais si le beurre fait la saveur distinctive des quiches et tartes carrées de la jeune entreprise montréalaise, la recette du succès de ses fondateurs Katell Burot et Philippe d’Haucourt comporte quant à elle plusieurs kilos d’esprit d’aventure, monté avec une bonne grande envie de liberté et nappés d’une soif d’indépendance qui fait traverser des océans. Par Pascale Lévesque 

Katell et Philippe ont certainement un petit quelque chose de nos ancêtres Bretons venus s’établir ici à l’époque de la Nouvelle-France. « Ce rêve de l’étranger, ça me titillait depuis longtemps, raconte l’entrepreneure. Je n’avais pas eu la chance, comme beaucoup de compatriotes l’ont fait, de venir en Amérique pour mes études. Mais je travaillais pour une grande firme comptable avec des bureaux un peu partout dans le monde et je savais qu’un jour ce serait possible de profiter d’un transfert. » 

Le Québec, un compromis qui sourit  

Madame voulait tenter sa chance aux États-Unis, mais pour Monsieur, c’était hors de question. Le Québec s’est présenté comme un heureux compromis. En 2005 le couple déménage de Rennes à Montréal.  « Je n’avais jamais mis les pieds ici, se souvient Katell Burot. Je n’avais même pas d’image en tête ni d’attente, tout était une découverte. J’ai été frappée par le sourire dans les visages de tout le monde. Je me souviens d’avoir appelé ma famille en Bretagne pour leur parler du climat, de l’humeur et de la propension des gens à rendre service. Même au bureau ! » 

Le charme des Québécois avait beau opérer, les saveurs du vieux continent manquaient au couple. « Le fameux beurre ! », lance la femme d’affaires en riant. C’est un peu ce qui a à leur insu nourri leur plan d’avenir.  « On avait toujours ça dans le coin de nos têtes, faire autre chose de nos vies, raconte-t-elle. On espérait un jour se bâtir un projet pour travailler ensemble mon mari et moi. Ça aurait pu être un gite, par exemple. On ne savait pas quoi, mais on savait que ça allait se produire. » 

Côté projet, ils ont commencé par deux enfants. Mais pendant que Katell faisait sa place au bureau, Philippe lui se réinventait dans la cuisine d’un restaurant. »  

Le beurre : un goût qui touche 

Pourquoi les tartes ? « Dans la famille de mon mari, c’est sacré les tartes », précise-t-elle. Il a eu le déclic et c’est sans surprise qu’un jour il est arrivé à la maison avec le nom et le concept de ce qui allait devenir Carrément Tarte. Des tartes carrées et éventuellement des quiches faites avec des ingrédients riches, locaux et surtout une croûte pur beurre. Un produit qui allait être vendu au détail, mais aussi aux restaurateurs. « On avait une recette, celle inspirée par la tradition de ma belle-famille et l’envie de mettre au jour un produit qui nous touche, souligne Katell Burot. J’ai su tout de suite qu’on tenait notre projet. » 

Le couple partait de zéro et sur le coup, le risque financier était important. Car les tartes, il ne suffit pas de savoir les faire et les manger si on veut se partir en affaires avec elles. « Je suis épicurienne et gastronome, mais je n’avais jamais eu d’entreprise à moi avant, raconte-t-elle. J’ai fait l’école des entrepreneurs le soir, tout en continuant à travailler le jour. » 

Surprise et ouverture 

 L’annonce à l’employeur de Katell, qui avait organisé son transfert de la France au Canada, s’est faite à ce moment-là. « Je les ai prévenus de ce qui s’en venait, se rappelle-t-elle. J’étais prête à partir, mais j’ai accepté leur proposition de faire du temps partiel. Ça a tenu de juin à novembre, assez longtemps pour que le projet avance. J’ai fini par quitter et là, je me suis embarquée totalement dans notre affaire. » 

Amis et collègues ne sont pas restés indifférents quand la Bretonne leur a partagé la nouvelle. « J’ai eu des “bravos !”, et des “t’es sûre de ce que tu fais ?”,” relate-t-elle. C’est cependant la réaction de l’autre côté de l’Atlantique qui l’inquiétait le plus.  « J’avais très peur de l’annoncer à mes parents, se souvient Katell Burot. Peur qu’ils me rappellent tout le chemin que j’avais fait, mes études, ma carrière, etc. Mes craintes se sont avérées vaines. Ils m’ont laissé une grande liberté et sont très investis et présents dès le début. Ils m’ont étonnée. » 

La route des six dernières années fut ardue, mais le succès qui pointe est bien tangible. « Au début on nous regardait “mais qu’est-ce qu’ils font ?”, relate-t-elle. Même nous si on avait su tout ce que ça comportait… mais tout est possible quand tu ne sais pas. » Le couple y est arrivé à force d’acharnement, et a réussi à passer le cap des quatre premières années. « C’est un moment charnière dans la vie d’une jeune entreprise, poursuit-elle, ça passe ou ça casse, car à partir de là, la croissance doit prendre un nouvel élan soutenu par l’investissement en marketing, certifications, qualité et quantité. » 

Aucun regret 

Carrément Tarte emménageait d’ailleurs en juillet dernier dans de nouveaux locaux plus spacieux qui permettront à l’entreprise de quadrupler sa production. Katell Burot s’emballe en parlant de l’avenir, de faire grandir la marque au Québec et d’étendre le marché canadien, tout en se déployant aux États-Unis.  

« Même si j’aimais ce que je faisais dans mon emploi précédent, je ne regrette pour rien au monde ce saut dans l’entrepreneuriat, partage Katell Burot. J’y étais intellectuellement stimulée, mais j’ai découvert que ce que j’aimais le plus c’était cette vision 360 propre à la gestion d’une entreprise. Je sais que je suis à la bonne place, aucun doute que je suis sur mon X. » 

Katell Burot pourrait ajouter que le X est d’autant plus confortable qu’il est assez grand pour qu’elle le partage avec son mari et partenaire en affaires, Phillipe d’Haucourt. Il y aura aussi de la place pour leurs deux enfants quand le moment sera venu, à leur choix, bien entendu. « Le secret, c’est de se compléter », insiste la cofondatrice de Carrément Tarte.  

Et de ne jamais lésiner sur le beurre, évidemment.  

Source L’actualité ALIMENTAIRE