LE must

Pas tous identiques, les «Foodies»!

QUEL TYPE DE FOODIE ÊTES-VOUS ?

  • Le foodie-de-salon : qui mange son Kraft Dinner en regardant une émission culinaire.
  • Le techno foodie: qui trippe sur les gadgets de cuisine et en possède plein ses armoires.
  • Le foodie en théorie ou l’intello foodie : qui préfère lire les livres de recettes que de mettre la main à la pâte.
  • Le foodie-dans-le-garde-robe : qui trippe bouffe, mais n’ose l’avouer.
  • Le foodie sensuel : qui savoure chaque bouchée comme si c’était sa dernière et y voit un prélude à d’autres plaisirs.
  • Le foodie idéologique : qui consomme local et bio croyant ainsi sauver le monde.

Il m’arrive trop fréquemment, dans plusieurs rencontres, conférences ou autres forums, de rencontrer des gens qui me disent : « Ah, je suis un grand foodie moi aussi. » Ce à quoi je réponds habituellement : « Mais qu’est-ce qui vous fait croire que j’en suis un ? » Non, ce n’est pas que je sois antisocial et prenne plaisir à déstabiliser mes interlocuteurs. C’est seulement que j’en ai un peu marre de ce label mal compris et trop souvent galvaudé. | Par Jordan LeBel

Certains établissent l’origine, ou plutôt la consécration, du terme foodie à 1984 et à la publication du livre d’Ann Barr et de Paul Levy intitulé The Official Foodie Handbook. Or, il se trouve que le terme était en utilisation bien avant. Déjà, dans les années 50, les étudiants de l’École hôtelière de l’Université Cornell, inscrits dans la concentration restauration, étaient connus sous le nom de foodies, alors que ceux inscrits dans l’option hôtellerie étaient surnommés « hotelies », des surnoms encore utilisés aujourd’hui.

Juger l’aliment, mais encore ?
Dans leur livre Foodies: Democracy and Distinction in the Gourmet Foodscape, Josée Johnston et Shyon Baumann, deux sociologues de l’Université de Toronto, rapportent les résultats d’entrevues en profondeur réalisées avec des soi-disant foodies. Elles remarquent qu’être foodie, c’est porter un jugement sur l’aliment, à tort ou à raison, avec ou sans connaissances. Elles constatent aussi que malgré le vent de démocratisation qui a décloisonné et rendu accessibles leurs connaissances sur l’alimentation et la gastronomie, plusieurs foodies utilisent leur savoir et leurs expériences comme source et marque de différenciation. Pour certains foodies, leur intérêt pour l’alimentation ne réside même plus dans l’aliment ni même l’acte ou l’expérience de cuisiner ou manger, mais plutôt dans l’idée de bien paraître. C’est chic, c’est « in » de parler de bouffe, de mettre des photos de ses repas au restaurant sur Instagram, etc. Voilà pourquoi je ne me revendique pas foodie. Pour moi, c’est beaucoup plus que cela.

 

  Pour certains, être foodie, c’est la poursuite constante du plus beau, du plus exotique, du plus cher, du plus rare. Tout cela pour se distinguer. Pour d’autres, cela ne s’arrête pas au simple plaisir sensoriel ou à celui de bien paraître. 

 

FOODIES OU NON-FOODIES : lesquels ont le plus de plaisirs ?
Dans ma dernière chronique, je vous parlais d’une étude exploratoire où j’ai interrogé des gens sur le terme et où je leur demandais de me parler d’une récente expérience alimentaire. Je leur demandais aussi de quantifier et de décrire le plaisir procuré par cette expérience. Je m’attendais à ce que ceux qui se qualifient de foodies aient plus de plaisirs et en parlent avec des mots plus précis, plus imagés, plus… savoureux. Eh bien, non. Première surprise : sur 70 répondants (l’idée n’était pas d’avoir un échantillon représentatif, mais bien d’explorer certaines notions), 12 disaient ne pas aimer le terme foodie et au total 25 ne se revendiquaient pas foodie.

Puis, sur l’échelle du plaisir, les foodies et les non-foodies rapportaient des plaisirs d’intensité comparable : les foodies n’ont donc pas plus de plaisir à table. Et finalement, en lisant les expériences décrites, je me suis aperçu que c’est plutôt les non-foodies qui trouvaient des plaisirs variés à table et surtout utilisaient des descriptions plus riches et détaillées. Une foodie a décrit un brunch avec une amie et a noté comment son amie était « jalouse » de la belle salade « savoureuse » qu’elle avait commandée. Par contre, un non-foodie a décrit des rouleaux impériaux de façon tellement détaillée que j’en avais faim et je salivais juste à lire sa description !

Autre surprise, être foodie ne veut pas dire avoir une relation saine avec l’alimentation : une participante a d’ailleurs décrit un épisode d’hyperphagie où elle a englouti, seule et en rafale, cinq biscuits à l’avoine avec glaçage. Je me sens très voyeur lorsque je lis ces expériences décrites par les répondants à mes sondages, mais, ciel !, qu’on y apprend plein de choses !

Foodies : pas tous dans la même assiette
« Mais où donc veut-il bien en venir ? » vous dites-vous. Voilà : nous désirons trop souvent résumer les choses simplement, et ce, surtout en marketing, où nous aimons catégoriser les consommateurs. Mais tout comme il existe plusieurs segments d’hétérosexuels, de familles, de professionnels, il existe divers types de foodies. À la lumière des études que j’ai réalisées et de mes échanges avec des foodies, je vous propose une liste non exhaustive de quelques types.

Pour ne pas passer pour un vieux grincheux, laissez-moi préciser : je n’ai rien contre les foodies. Pour moi, être foodie, c’est surtout une curiosité constante qui dépasse le plaisir sensoriel de manger. Je trouve autant de plaisirs à lire sur l’histoire des cuisiniers que de feuilleter les pages du dernier livre de recettes à succès, et, non, je ne fais pas le snob devant la laitue Iceberg, pour autant qu’elle soit bien préparée ! Pour moi, être foodie, ça se joue autant entre les deux oreilles que sur la langue, seul ou en bonne compagnie.

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