En septembre, nous nous sommes rendus à l’événement Essence culinaire, présenté par le Centre Phi. Ces soirées, consacrées à un aliment de base de notre alimentation, sont animées par un duo composé d’un chef et d’un expert. Lors de notre passage, on y invitait les foodies à goûter, partager et apprendre au sujet du maïs. Sous les bons soins du chef du Manitoba, Simon Mathys, et de la journaliste de La Presse, Ève Dumas, nous avons découvert des facettes insoupçonnées de notre bon vieux blé dinde ! Voici le résumé de ce que nous avons appris sur cet aliment millénaire. | Par Mathilde Condrain-Morel et le Centre Phi
On ne réalise pas toujours toute la portée que peut avoir le maïs. Il s’agit pourtant d’un grain indigène de l’Amérique du Nord, ce qui en fait un des premiers ingrédients de notre histoire à avoir été consommé. En effet, 5 000 ans avant Jésus-Christ, le maïs est né d’une plante nommée théocynthe, un granidé qui, par mutation génétique, s’est transformé en maïs, mais évidemment pas tout à fait celui que nous connaissons aujourd’hui. Dans tous les cas, sa naissance s’est faite au Mexique, ce qui explique qu’il soit au coeur de la cuisine des Mexicains ! Il voyagea également jusqu’à la péninsule de Gaspé, où Jacques-Cartier en fit la découverte.
Une culture variée
Évidemment, découverte est un bien grand mot dans ce cas-ci, puisque les Micmacs le cultivaient déjà à ce moment. Le maïs consommé à l’époque de Jacques-Cartier sera nommé le Gaspé Flint, en l’honneur de la région dans laquelle il pousse. Il s’agit d’un maïs corné, donc très dur, très peu cultivé maintenant, mais qui existe pourtant encore. Quelle surprise d’apprendre qu’à cette époque, on pouvait répertorier près de 300 variétés différentes de maïs ! J’ai toutefois dû tempérer mon excitation, puisqu’aujourd’hui, au Canada, on ne cultive plus que ces quatre grandes familles :
- Maïs sucré (se mange uniquement frais, contrairementaux autres qui seront séchés)
- Maïs corné
- Maïs à farine
- Maïs à éclater
Une technique qui sauve des vies
Tout au long de cette soirée fort instructive, on prend bien soin de souligner l’apport des peuples indigènes dans la façon de consommer le maïs. Ceux-ci ont usé d’un procédé nommé nixtamalization avant de consommer leur maïs. « Nixta quoi ?! » que je me suis dis mentalement. Moi qui considère en connaître un rayon sur l’alimentation, je n’avais jamais entendu ce mot ! Cette technique, qui consiste à faire cuire les grains de maïs dans de l’eau contenant de la cendre, permettait de bonifier la valeur nutritive de cet aliment. En effet, l’eau ramollissant l’enveloppe du grain, il devient alors possible de la retirer pour rendre disponibles certains minéraux et vitamines contenus dans le maïs, notamment la niacine (vitamine B3) et le calcium. Cette technique a permis aux peuples indigènes d’éviter les carences alimentaires. Au Québec, on a appelé cette façon de faire « maïs lessivé », parce qu’on utilisait de la lessive (solution alcaline) pour la réaliser, tandis qu’aux États-Unis, elle s’appelle « hominy ». Si vous êtes curieux, le restaurant Fortune sur St-Laurent sert du maïs cuisiné de cette manière ! Au final, c’est une technique qui a permis de sauver les populations de nombreuses maladies dues à la monoculture.
Bon jusqu’au bout de ses soies !
Ici, on a l’habitude de consommer le maïs bouilli, en plein été, lors des traditionnelles épluchettes en famille. Par contre, sachez que le maïs est beaucoup plus polyvalent que ça, et peut être utilisé en entier. On peut en effet faire un bouillon à partir de rafles de maïs (les épis sans les grains) et même y ajouter les feuilles et les soies (ou barbes, filaments) de notre maïs. Lors de mon passage au Centre Phi, le chef Simon Mathys nous a concocté une soupe aux grains ancestraux vraiment réconfortante. Le chaud bouillon et le goût sucré des grains de maïs encore un peu croquants réchauffaient l’âme comme une soupe Lipton lorsqu’on couve un rhume. Et je dis ceci avec toute la tendresse que j’éprouve pour la soupe Lipton ! Au-delà du bouillon, à Kahnawake, on utilise les soies pour faire des tisanes. Évidemment, pour utiliser ces éléments il faut que le maïs en question soit exempt de pesticides.
De quoi s’éclater !
Le fameux popcorn est le seul maïs qui puisse être génétiquement modifié. On retrouve sur le marché du maïs à éclater papillon et du maïs à éclater champignon, qui est plutôt utilisé en confiserie, puisqu’il est plus solide et ne se brisera donc pas lorsqu’il sera mélangé au caramel. Le maïs à éclater est une des variétés indigènes les plus anciennes. D’ailleurs, les Mayas faisaient éclater les grains sur des pierres chaudes. Du côté du Québec, on le mangeait par le passé comme des céréales, avec du lait et du sirop d’érable.
Un nouveau produit à découvrir
Ma plus grande surprise de la soirée fut probablement de découvrir le huitlacoche, charbon du maïs en français, une maladie qui atteint le maïs non traité et qui entraîne la pousse de champignons sur l’épi. Croyez-le ou non, ces épis peuvent être consommés et sont même très prisés au Mexique. Leur goût est à mi-chemin entre celui du maïs et celui du champignon. La journaliste Ève Dumas indiquait d’ailleurs que les chefs québécois commencent à l’intégrer dans leurs créations. Vous aurez donc possiblement l’occasion de le goûter prochainement. Finalement, sans passer par le restaurant, vous pouvez manger du maïs à l’année si vous le déshydratez ou si vous congelez ses grains. Vous pourrez également cuisiner sa farine, pour en faire des tortillas, des pains ou même de délicieuses crêpes sucrées. C’est d’ailleurs la deuxième recette que j’ai mangée ce soir-là, et c’était divin ! De plus, sachez que la farine de maïs est sans gluten.
Soupe paysanne aux pois fourragers, courge et maïs de Simon Mathys
Préparation : 15 min | Cuisson : 40 min | portions : 8
INGRÉDIENTS
1/2 oignon espagnol, émincé
2 gousses d’ail, hachées
4 branches de thym
500 ml (2 t.) de pois fourragers
100 ml (3/8 t.) de vin blanc
2 l (8 t.) de bouillon de maïs ou bouillon végétal
250 ml (1 t.) de courge butternut, coupée en dés
200 ml (3/4 t.) de maïs déshydraté
Sel
PRÉPARATION
Dans un chaudron, à feu moyen, faire suer l’oignon, l’ail et le thym, pendant environ 5 minutes. Ajouter les pois fourragers et laisser cuire pendant 2 minutes.
Déglacer au vin blanc et laisser réduire presque à sec.
Mouiller avec le bouillon de maïs jusqu’à 2 pouces au-dessus des pois. Laisser cuire à feu doux jusqu’à ce que les pois soient presque prêts.
Ajouter les dés de courge butternut. Verser un peu d’eau s’il manque de liquide.
À la mi-cuisson des courges, ajouter le maïs déshydraté. Laisser cuire jusqu’à la cuisson complète des courges et la réhydratation du maïs.
Assaisonner avec du sel, au goût.