Avez-vous déjà remarqué comment le simple fait de se faire imposer ou interdire quelque chose stimule en nous l’envie de contrevenir à la dite restriction? C’est un peu le même phénomène qui se produit lorsqu’on élimine certains types d’aliments de notre alimentation afin de perdre du poids ou parce qu’on les a étiquetés comme « mauvais ». | Par Josée Guérin B.Sc., Dt. P., nutritionniste et psychothérapeute, fondatrice de la Clinique Psychoalimentaire et Dina Merhbi, Nutritionniste-Diététiste
De telles restrictions alimentaires, même volontaires, crées un attrait démesuré envers les aliments défendus. Le mythe des 3 « p », pâtes, pain et patates en est un bonne exemple. De telles restrictions, tant au plan calorique qu’émotionnel, peuvent entraîner des fringales ou des rages alimentaires. L’attrait du fruit défendu quoi! Bien que les fringales ne soient généralement pas associées à des fruits ou à des légumes…
La physiologie des fringales
Les rages alimentaires sont une réponse hédonique aux signaux de la faim qui se caractérise par son intensité et sa spécificité. À ce jour, les études démontrent clairement que les gens qui sont à la diète ou en restriction alimentaire sont plus susceptibles de développer des rages alimentaires. La restriction de certains aliments serait associée à une augmentation du désir de les consommer et ce, en quantité exagérée. Ce mécanisme physiologique serait sous‑jacent à notre prédisposition psychologique : conditionnement, croyance, cognition et état émotionnel. Nous y reviendrons plus loin.
Les régimes faibles en glucides et à haute teneur en protéines, qui promettent des pertes de poids rapides sans privation et sans avoir faim, sont à la mode. Les études démontrent non seulement leur inefficacité à moyen et long termes mais aussi que ces régimes causent des fringales ou encore des rages de sucre. « L’appel du sucre » est en fait un phénomène physiologique. Le corps a besoin de glucides pour nourrir ses cellules et tout particulièrement celles du cerveau. Ceux qui s’étiquettent comme des « bibittes à sucre » sont, dans la plupart de cas, des personnes en restriction glucidique ou encore des individus qui ressentent les fringales de façon plus marquées que la moyenne. Il faut donc cesser la culpabilisation face aux fringales et tenter plutôt de comprendre le phénomène.
L’effet pervers des régimes faibles en glucides
L’idée à la base de ces régimes est que la consommation d’aliments riches en glucides entraîne une surproduction d’insuline, l’hormone responsable du transport et du stockage du glucose et du gras. Ainsi, en restreignant les aliments riches en glucides et en consommant des aliments riches en protéines qui ont un effet moindre sur la sécrétion d’insuline, l’énergie nécessaire au corps sera puisée à même les matières grasses déjà stockées.
Malheureusement, la perte de poids ainsi provoquée ne sera que temporaire. En effet, la perte de poids est essentiellement due à l’excrétion de sodium et à la perte d’eau associée à l’utilisation des réserves de glycogène comme source d’énergie. Ainsi, le poids perdu sera rapidement regagné et ce, dès le retour à une alimentation normale, peu importe le rapport glucide/protéine de celle-ci.
La psychologie des fringales
Les « crises alimentaires » sont donc plus communes et complexe que l’on pense…Outre le phénomène de restriction glucidique, les individus cherchant à maigrir luttent contre des mécanismes de régulation de type biologique, physiologique et psychologique. Pour les chercheurs, Herman et Polivy, le processus est avant tout d’ordre cognitif.
Les individus en restriction cognitive s’imposent des limites rigides dans le but de réguler leur alimentation. Le comportement alimentaire en vient à être déterminé par des règles et des croyances concernant les aliments autorisés et les quantités permises. Ces comportements prennent généralement le pas sur les mécanismes de régulation naturelle du corps. La restriction alimentaire altère donc les fonctions des neurotransmetteurs, dont les signaux de la faim et de la satiété qu’on connaît bien, mais a également un impact sur l’humeur, les impulsions, l’irritabilité, l’anxiété et les obsessions.
Quand, pour des raisons variables (stress, cafard, joie, etc.), la limite fixée dans le cadre de la restriction cognitive est transgressée et que l’individu perd le contrôle de son comportement alimentaire, il peut manger jusqu’à se sentir mal, physiquement et psychologiquement. En l’occurrence, la culpabilité est souvent au rendez-vous.
Ultimement, si la restriction cognitive n’est pas rétablie, elle pourra avoir des impacts plus importants sur la santé mentale. Il est donc important de comprendre que tous ces mécanismes qui se manifestent lors des diètes ou même chez les personnes qui font tout bonnement « attention à leur alimentation », peuvent avoir des répercussions insidieuses tant sur le plan physique que mentale et peuvent contribuer au développement de troubles alimentaires.
Pour un meilleur dépistage
Les troubles du comportement alimentaire sont de plus en plus fréquents dans notre société. Leurs effets sur la santé sont incontestables. Il est donc impératif de les détecter et de les prendre en charge.
Pour de plus ample renseignements, visitez le www.psychoalimentaire.com.