C’est la nouvelle frontière en matière de gastronomie : les consommateurs sont de plus en plus nombreux à délaisser les étals de champignons de Paris et autres cremini, afin de varier leurs menus.
Ils rêvent de balades bucoliques au grand air, armés d’un couteau et d’un panier en osier, pour ainsi tirer profit des trésors gustatifs dont recèlent nos sous-bois, mais attention : d’apparence plutôt inoffensive, la cueillette de champignons sauvages peut se révéler dangereuse. Voici quelques clés afin de débusquer les embûches. | Par Christine Elizabeth Laprade
Ne s’improvise pas mycologue qui veut ! Bien que les décès résultant de la consommation de fungi (du latin funus, pour « funérailles ») soient plutôt rares, le Centre antipoison du Québec traite régulièrement des appels liés à de possibles cas d’intoxication, un type d’empoisonnement pouvant causer de graves lésions aux reins et au foie.
Prudence !
Parmi les 3 000 espèces de champignons répertoriées dans la flore québécoise, plusieurs espèces vénéneuses pullulent sur les pelouses résidentielles et dans les parcs municipaux. L’amanite vireuse (Amanita virosa), la paxille enroulée (Paxillus involutus) et la galérine automnale (Galerina autumnalis) sont indigestes, malgré leur mine anodine. Il faut donc impérativement aiguiser ses connaissances au préalable et faire preuve de vigilance accrue à cet égard.
Cueillir proprement
Avant de vous improviser cueilleur, mieux vaut consulter un artisan certifié. Dans la région de Lanaudière, on retrouve François Brouillard, de l’entreprise Les Jardins Sauvages. C’est un pionnier de la gastronomie forestière en plus d’avoir étroitement collaboré avec les toques les plus réputées de la province du Québec. Il insiste d’ailleurs sur ce point : « Même après avoir subi une initiation à la mycologie, les chasseurs de champignons vont beaucoup trop vite ! Ils sont surexcités, ils veulent tout avoir rapidement. Les espèces peuvent être si facilement confondues. Même ceux ayant suivi un atelier font parfois erreur et s’empoisonnent. » On prend donc soin de faire identifier le fruit de son butin par un expert
Encadrer l’industrie
M. Brouillard dénonce également le manque flagrant de réglementation et d’encadrement dans l’industrie, notamment en ce qui touche la vente de champignons importés (qui ne sont pas sujets à l’inspection). « C’est pourquoi, dit-il, l’Association pour la commercialisation des produits forestiers non ligneux (PFNL), en collaboration avec d’autres cueilleurs, tente de trouver des solutions afin de prévenir les empoisonnements, mais aussi d’encadrer la cueillette qui se fait souvent n’importe comment. Il est aussi question de délivrer des permis pour les cueilleurs. » Avis aux gourmets : un champignon sauvage issu de pratiques durables, inspecté avec rigueur et cueilli en harmonie avec les normes locales, vient avec un certain coût.
Plaisirs forestiers
Les champignons forestiers comestibles méritent d’être traités avec respect. Ils sont bien évidemment savoureux en fricassée avec une viande grillée, ou déposés délicatement sur un os à moelle, ponctués d’un mélange de persillade et fleur de sel. Leur profil aromatique se décuple donc autrement qu’à travers le beurre, la crème ou les lardons !
Au fait, les deux grandes familles de champignons comestibles (soit à lame, ces petites lignes sous le chapeau du champignon, et sans lame) doivent impérativement être cuites avant d’être dégustées. Le restaurateur montréalais David McMillan explique une façon savoureuse de les apprêter : « Immanquablement, à la bordelaise ! En plus, c’est si simple de les cuisiner ainsi ». Il s’agit simplement de faire revenir les champignons dans l’huile avec des échalotes, puis d’arroser de jus de citron et de parsemer de persil frais. Un peu de sel et de poivre, et le tour est joué ! La réputée sommelière et chroniqueuse de vin Véronique Rivest raffole, pour sa part, d’un accord champignons-pinot gris d’Alsace en blanc, ou sinon en rouge, avec un pinot noir. Bonne dégustation !