La nutritionniste Louise Lambert-Lagacé nous donne son avis sur le nouveau Guide alimentaire canadien et sur les difficultés qu’on impose à l’alimentation d’aujourd’hui. | Par Mathilde Condrain-Morel
À lire aussi, le compte rendu de DUX sur le Guide alimentaire canadien.
Si vous avez des enfants ou êtes âgé de plus de 65 ans, le guide alimentaire canadien ne vous aidera pas à combler vos besoins. Les outils et conseils dédiés à ces groupes précis y sont cruellement manquants. C’est l’un des premiers constats que fait Louise Lambert-Lagacé, nutritionniste chevronnée qui cumule plus de 50 ans d’expérience, avec qui nous avons discuté récemment. Elle est d’ailleurs catégorique : « pour de jeunes enfants, ça n’irait pas. Il y a des choses à adapter ». Selon elle, c’est au niveau du groupe des protéines que le Guide alimentaire canadien fait fausse route. En mettant tous les types de protéines dans le même panier (d’épicerie sûrement!), on prive la population d’explications importantes. Sa première recommandation :
- Ramener le groupe dédié aux produits laitiers.
« Ils ne peuvent pas être comparés aux légumineuses, puisqu’ils ont des caractéristiques tellement spécifiques et importantes. Ils sont complètement sous-estimés ».
3 raisons de consommer les protéines laitières ici.
Trop loin de la réalité
Voilà un guide pour la survie de la planète, mais qui n’est pas adapté à la majorité des gens. Pourquoi? Ils ne possèdent pas les connaissances pour bien le comprendre. Il est donc très éloigné de la réalité du citoyen moyen. C’est une chose de vouloir inspirer les Canadiens à modifier leurs habitudes alimentaires, mais encore faut-il les aider dans cette direction. Si ceux-ci se basent sur le guide, ils risquent d’être bien perdus. On y propose de beaux principes, mais comment les appliquer dans le quotidien? Lorsqu’une personne âgée vivant seule se fait dire qu’il faut manger en groupe, on la laisse plus démunie encore qu’elle ne l’était. Pour Louise Lambert-Lagacé, le Guide alimentaire canadien propose trop d’idéaux et pas assez d’outils concrets.
La nutrition au second plan
La nutrition semble de plus en plus perdre du terrain au profit de préoccupations environnementales. Pour Louise Lambert-Lagacé, c’est préoccupant : « on choisit nos aliments en fonction des émissions de gaz à effets de serre qu’ils génèrent, mais qu’en est-il de leur impact sur notre santé? ». Ce sont des préoccupations que nous n’avions pas avant et qui, bien qu’elles ne puissent plus être évitées, nous détourne de la fonction première de la nutrition : contribuer à notre santé.
Carences en vue
En priorisant la planète, il est possible de se tromper du point de vue de la nutrition. On priorise les protéines végétales, mais on ne donne pas de conseils sur la manière de les intégrer à son alimentation. Ça devient problématique pour les personnes plus vulnérables, telles que :
- Personnes âgées
- Enfants
- Personnes moins éduquées
Les connaissances existent, mais on ne fournit pas le soutien nécessaire pour leur application. Ce faisant, on risque de voir apparaître certaines carences chez ces gens qui voudront suivre les recommandations du Guide alimentaire canadien. Louise Lambert-Lagacé attend encore les outils qui permettront à ces personnes vulnérables de procéder à des changements dans leurs habitudes alimentaires, sans nuire à leur santé.
Foncer droit vers la complication
Ces nouvelles complications et contraintes viennent inévitablement complexifier l’assiette. Elle ne doit plus simplement nous nourrir, elle doit aussi être :
- Responsable envers l’environnement
- Politiquement correcte
- Nutritive
Quand la valeur nutritive de nos aliments se retrouve en troisième position dans les priorités associées à l’alimentation, il faut se poser des questions.
Là encore cette nouvelle approche agace Louise Lambert-Lagacé : « avant que la contrainte se transforme en plaisir, ça peut être long! ». Or, le plaisir de manger est une part importante de la nutrition, qui fait d’ailleurs partie des recommandations du Guide alimentaire canadien. Contradictoire, n’est-ce pas?
Quelques pistes pour vous faciliter la tâche juste ici.Les extrêmes : un danger certain
Diètes, tendances, courants alimentaires, si ce qu’on propose est trop radical, des impacts sur votre santé se feront sentir. Les carences nous attendent aussi dans le détour et la faim se fera vite ressentir. Que se passe-t-il ensuite? Dans le meilleur des cas on se tourne vers les suppléments, mais souvent ce sont les alternatives beaucoup moins santé qui nous attirent. Mais pourquoi éliminer un aliment s’il nous apporte ce dont notre corps à besoin?
S’il y a une seule recommandation de Mme Lambert-Lagacé à retenir, c’est probablement celle-ci : « il faut donner la priorité aux vrais aliments et éviter le déséquilibre ».
À ce sujet, nous vous recommandons d’écouter la websérie « La diète parfaite?! » de la nutritionniste Cynthia Marcotte, gagnante d’un prix DUX dans la catégorie Communication.